Quatrième de couverture
Étonnant paradoxe : alors que les médias en parlent constamment, la laïcité est encore très mal connue ! Sujette à des interprétations divergentes, parfois instrumentalisée ou consciemment falsifiée, elle apparaît par moments comme un principe nébuleux, ce qui place les enseignant.e.s, les élèves et leurs parents dans une situation difficile.
Cherchant à clarifier le débat, un collectif d’enseignant.e.s s’est réuni autour de Jean Baubérot, historien et sociologue spécialiste de la laïcité, pour répondre aux questions concrètes du personnel éducatif et des usager.ère.s de l’Éducation nationale. Retraçant avec pédagogie l’histoire de la laïcité et redonnant les grands principes de son application, ce petit manuel offre des clés indispensables pour comprendre la philosophie véritable de cet idéal républicain et propose des solutions pratiques pour l’appliquer sereinement.
Car ce livre est aussi un plaidoyer pour une laïcité (enfin !) apaisée et pour une école publique ouverte, capable d’offrir à tou.te.s, quelles que soient leurs origines et leurs convictions, un enseignement de qualité. La laïcité, rappellent les auteur.e.s, ne devraient pas être un instrument de stigmatisation des élèves et un casse-tête pour les professeur.e.s. Au contraire, elle peut, quand elle est bien comprise, apporter des solutions pour une vie collective harmonieuse et respectueuse des convictions de chacun.e.
Critique
Je ne vais pas me faire que des ami.e.s (moi aussi, je sais utiliser le langage inclusif comme les auteur.e.s du livre, mais ce n’est pas encore un réflexe) en annonçant que je suis en accord avec ce que dit cet essai. Oui, notre vision de la laïcité est fausse. Oui, nous sommes en réalité des intolérant.e.s à échelle variable. Oui, à échelle variable, car nous laissons le catholicisme bénéficier de faveurs qui ne devraient pas exister et tapons encore et toujours sur les mêmes – les musulmans. Et non, le voile n’est pas du prosélytisme. Mais si vous sentez que votre volonté vacille et que vous êtes prêt.e.s à devenir musulman.e juste en apercevant un voile au loin, je vous suggère vivement de travailler sur vous-mêmes. Et non, le voile n’est pas – que – sexiste. Après cette entrée en matière assez rude, vous êtes prévenus du contenu de cet article. (la suite est quand même plus… apaisée – je vous jure, je ne le fais pas exprès)
Les auteur.e.s rappellent ce qu’est la laïcité selon la loi de 1905, le contexte dans lequel elle a été élaborée et votée, ce qui est extrêmement important pour la suite des évènements. Une anecdote vis-à-vis de Jules Ferry et des catholiques furieux à l’époque m’aura d’ailleurs bien fait rire – ces derniers auront eu l’herbe coupée sous les pieds en pensant justement se révolter contre leur perte de pouvoirs. Ils expliquent ensuite que non, nous ne sommes pas les uniques défendeurs de la laïcité et qu’il en existe d’ailleurs plusieurs visions, l’Allemagne en étant un très bon exemple. Les questions se succèdent dans ce qui pourrait sembler être un désordre, mais les explications s’enchaînent vraiment bien et sont logiques entre elles.
Bien évidemment, on finit enfin par aborder le sujet qui taraude en réalité tout le monde : est-ce que l’islam est compatible avec la laïcité ? (spoiler alert : oui) Et cette obsession malsaine sur le voile… Les auteur.e.s soulignent d’ailleurs bien à quel point nous méprisons les femmes musulmanes en ne leur accordant jamais la parole, en les considérant d’emblée comme étant soumises et incapables de posséder une opinion car elles seraient endoctrinées… Je vais régler ce point immédiatement : il y a des tas de raisons de porter le voile pour une femme musulmane. Ça peut être effectivement celle que vous fantasmez tous (l’obligation imposée par le mari ou le père de le porter) mais aussi la pudeur, le simple respect envers leur dieu et des tas d’autres qui sont mentionnées si vous lisez des témoignages de femmes portant le voile. (on peut aussi en trouver dans cet ouvrage) Et ils abordent plein de points sur lesquels on est convaincu de détenir la vérité. (et non, la laïcité s’en fout des droits des femmes, c’est historiquement prouvé)
Ceci concerne donc la première partie : une remise au point de ce que la loi de 1905 permet et ne permet pas et l’ambiguïté instaurée par la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostentatoires (sans jamais mentionner ce qui est ostentatoire ou non) se ressent dans la deuxième partie du livre, qui aborde des points pratiques. Comment enseigner la laïcité ? Que faire si un élève défend des idées religieuses en classe ? Si un personnel de l’Éducation nationale ne respecte pas son devoir de neutralité ? Tant de questions qui demandent des réponses mais qui ne sont pas simples à aborder et à désamorcer. Si j’ai trouvé les explications et conseils plutôt clairs pour la plupart, certains restaient très théoriques et abstraits et ne sont pas simples à résoudre sans une réflexion au préalable derrière.
Cet essai souligne aussi comment les dernières lois visant à restreindre certains droits pour les religieux auront eu l’effet inverse de ce qui était envisagé : communautarisme religieux, tensions au sein des établissements scolaires, discriminations de plus en plus assumées… La loi de 1905 avait l’objectif d’empêcher ça, les derniers débats et décisions sur le sujet n’ont fait que mettre de l’huile sur le feu, voire ont créé eux-mêmes le problème.
Il est donc essentiel de lire ce livre afin de lutter contre la désinformation à laquelle on a droit de la part des « experts ». Je suis tout à fait consciente que cet article est aussi la démonstration d’une opinion politique et que la colère y est largement palpable mais je pense aussi qu’à force de ménager les opinions discriminatoires des uns et des autres, on finit par leur donner de la légitimité. Il m’était donc impossible de me taire et d’être plus sage durant cette critique. Cependant, je vous rassure, les auteur.e.s de ce livre argumentent et expliquent avec calme leurs analyses. Un essai nécessaire durant cette période tendue.
9/10