Ecoutez nos défaites, de Laurent Gaudé

ecoutez-nos-defaites-coverQuatrième de couverture

Un agent des services de renseignements français gagné par une grande lassitude est chargé de retrouver à Beyrouth un ancien membre des commandos d’élite américains soupçonné de divers trafics. Il croise le chemin d’une archéologue irakienne qui tente de sauver les trésors des musées des villes bombardées. Les lointaines épopées de héros du passé scandent leurs parcours – le général Grant écrasant les Confédérés, Hannibal marchant sur Rome, Hailé Sélassié se dressant contre l’envahisseur fasciste… Un roman inquiet et mélancolique qui constate l’inanité de toute conquête et proclame que seules l’humanité et la beauté valent la peine qu’on meure pour elles.

Critique

Il faut savoir que j’apprécie beaucoup Laurent Gaudé. Il n’est pas trop hasardeux de dire qu’il fait partie de mes auteurs contemporains préférés : j’ai commencé par lire La Porte des Enfers, suivi d’Ouragan et de son prix Goncourt, Le Soleil des Scorta, avant d’enchaîner avec d’autres œuvres. J’en attends à la fois beaucoup et pas tant que ça de sa part non plus car je sais que je ne serai pas déçue la plupart du temps quoi que j’espère. Cette fois-ci, on se retrouve avec son dernier roman en date, mais aussi celui qui m’aura causé le plus de « problèmes ».

Pour être tout à fait honnête avec vous, je pense qu’il faut dépasser les cent premières pages du livre avant d’apprécier vraiment l’histoire et sans qu’un certain scepticisme soit encore présent. Oui, car c’est ce dernier sentiment qui aura accompagné le début de ma lecture. Comme vous l’avez lu plus haut, on se retrouve avec plusieurs histoires enchevêtrées les unes aux autres. Qu’il y ait plusieurs histoires n’est pas un problème, qu’elles aient lieu à différentes époques non plus, mais on recherche alors le point commun et cela reste assez perturbant d’observer ces histoires parallèles en se demandant où l’auteur veut nous emmener.

Je sors aussi de deux lectures parlant de guerres et on est en plein dedans avec ce livre aussi, en particulier avec les trois histoires qui se déroulent dans le passé. Est-ce qu’une partie de ma lassitude provient de là ? C’est tout à fait probable et je pense que j’aurais lu le livre d’un angle plus positif sans ce détail et que je l’aurais sûrement plus apprécié. (vous savez ce qu’il vous reste à – ne pas – faire)

Il n’empêche que la suite de l’histoire m’a enfin emportée. Laurent Gaudé a très bien su retranscrire les trois récits historiques – et réels ! – de manière juste, les réflexions des personnages ayant été passionnantes et fortes dans leurs émotions, tout à fait ce que j’aurais imaginé pour eux. Je pense que je ne vous apprends pas qui est Hannibal, mais j’ai découvert les deux autres personnes, le général Grant et Hailé Sélassié avec beaucoup de plaisir. Lire Laurent Gaudé, c’est acquérir de la culture générale quand on est une pauvre inculte dans mon genre.

Et il en a été de même avec les deux personnages principaux de notre époque contemporaine, bien que j’ai mis un peu plus de temps à accrocher à leur histoire. J’ai trouvé les réflexions de Mariam tout à fait vraies, mais très répétitives, et j’ai été soulagée vers la fin de voir que ça bougeait enfin. De plus, je craignais une certaine évolution entre Mariam et Assem que je n’avais pas envie de voir se produire sous peine de voir ma lassitude réapparaître. Mais il n’en a rien été et je remercie l’auteur de ne pas avoir céder à la facilité. On vit à travers eux et leurs histoires un contexte qu’on connaît vu qu’il est d’actualité et je trouve ça génial de vouloir faire réfléchir ses lecteurs sur des sujets encore sensibles.

Ce roman est finalement une réflexion sur la défaite. (j’ai l’impression d’enfoncer des portes ouvertes avec un tel titre) Qu’est-ce que la défaite ? Est-elle apparentée à l’échec ? Quelle valeur y accorder ? Que représente-t-elle vraiment ? Quand peut-on dire qu’il y a défaite ou victoire ? Bien évidemment, je ne vous donnerai pas les réponses, cela va de soi. Mais je vous conseille la lecture de ce livre car l’auteur nous donne à réfléchir sur ces questions et les réponses de chacun dépendent de leur vécu, de leur époque, mais aussi de leur(s) adversaire(s) : un empire entier, son propre peuple, la maladie, l’indifférence…

J’ai donc apprécié ce roman, que j’ai trouvé très intéressant à lire. Je l’avais à lire pour une lecture commune sur Livraddict mais je l’aurais lu sans problème de moi-même de toute façon. De belles histoires avec des personnages qui forment une mosaïque atypique, avec des vécus complémentaires les uns des autres. Tout est très bien construit, et c’est d’ailleurs quelque chose que je trouve assez impressionnant avec ce roman : tout s’enchaîne logiquement. Toutefois, je ne le conseille pas à ceux et celles qui voudraient découvrir cet auteur : les livres que j’ai mentionné plus haut sont plus adaptés. Vous vouliez un mot sur l’écriture ? Ben on parle de Laurent Gaudé : une narration agréable et pleine de justesse, comme d’habitude. Au moins, on sait que c’est toujours une valeur sûre.

• • Laurent Gaudé en parle aussi très bien dans La Grande Librairie (il se permet de spoiler vu que c’est l’auteur, alors c’est facile, hein…)

14 réflexions sur “Ecoutez nos défaites, de Laurent Gaudé

  1. Je me suis laissée embarquée très facilement grâce à Mariam et Assem. Jusqu’au final. C’est cette répétition (qui t’a un peu génée) qui m’a permis justement de rester toujours très proche de chacun, de ne jamais perdre le fil, d’ancrer réellement leur état d’esprit alors qu’on passait de l’un à l’autre. Et c’est ça qui a fait qu’Assez et Mariam sont resté vraiment au coeur de ce choeur…

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  2. L’histoire m’intrigue beaucoup ! 🙂 Je pense que, vu que je connais déjà un peu sa plume et que je suis avertie qu’il faut peut-être s’accrocher au début, ça risque bien de me plaire 🙂 Je le note dans un coin de ma tête, donc !

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