Quatrième de couverture
Avec son sourire carnassier et ses costumes chics, Patrick Bateman est l’incarnation du golden boy new-yorkais. Mais, à la nuit tombante, il laisse libre cours à sa démence. En bon serial killer, Patrick viole, torture et tue. Dans un monde lisse de tout sentiment, jusqu’où l’horreur peut-elle aller ?
Critique
J’avais un peu peur de lire ce livre au début. D’ailleurs, heureusement qu’on l’a lu en lecture commune avec Ambroisie car j’aurais mis plus de temps à m’y mettre sans ça. (elle n’a pas encore publié sa chronique)
Alors oui, c’est extrêmement violent. Patrick Bateman est détestable, profondément, surtout lors de la description de son premier méfait. Mais finalement, ce n’est pas ce qui m’a le plus choquée.
Ce qui m’a interpellé en premier, c’est la superficialité de la classe sociale dans laquelle il évolue. Le personnage principal énonce souvent les marques de ses vêtements ou de ceux de ses interlocuteurs, les juge dans l’air du temps ou pas et s’énerve quand ce n’est pas le cas. (ça l’agace aussi qu’on ne reconnaisse pas de quelle marque est tel vêtement ou tel accessoire) Le premier passage du genre m’a fait grincer des dents, mais par la suite, j’ai bien réalisé que le but de l’auteur était qu’on s’imprègne de son monde à lui, de ses préoccupations. Pareil d’ailleurs pour les nouvelles technologies : il connaît en détail leurs fonctions et options, c’est assez dingue, et je peux aussi en dire de même pour la musique, les films, bref, la culture de l’époque.
Mais ce n’est pas le seul : ses « amis » sont pareils, sa petite amie (et les autres filles avec qui il la trompe allègrement, et c’est réciproque) aussi, ils prennent de la drogue en veux-tu en voilà, n’arrêtent pas de sortir dans des restaurants ou des boîtes de nuit (à condition que ça soit côté et en vogue !) et surtout, ils ne se reconnaissent pas entre eux. Ils se trompent souvent de nom en croyant reconnaître quelqu’un et interpelle la personne avec un autre nom… Je trouve ça complètement fou, on voit que les relations sociales sont en réalité inexistantes, que les gens ne se préoccupent que d’eux et en plus, ils se ressemblent tous car il y a un certain standard à respecter. (coupe de cheveux, musculation, bronzage…) A plusieurs reprises, Bateman a sorti ce qu’il faisait, les meurtres, les viols, tout ça, dans une conversation anodine. Celle-ci s’est surtout révélé être un monologue où l’interlocuteur (peut-on encore appeler cette personne ainsi s’il n’y a pas de réciproque ?) débite juste ce qu’il a envie de dire sans porter attention à ce que lui dit la personne en face. Patrick Bateman est aussi un sale égoïste, bien sûr, mais je pense qu’il y a réellement de la détresse derrière tout ça. (il a avoué une chose qui m’a personnellement mis la puce à l’oreille, en plus du reste) Bon, par contre, son idole est Donald Trump… Ça se passera de commentaire, ça en dit déjà assez long.
Il y a un mépris envers les pauvres qui est très agaçant, mais pas vraiment surprenant. Bateman et ses potes sont d’une arrogance insupportable à juger les sans-abris et à leur dire de travailler pour s’en sortir, mais pas besoin d’être un golden boy pour raisonner ainsi. Cette supériorité envers la pauvreté, on nous l’enseigne aussi, tant qu’on a un toit sur la tête et de quoi manger, c’est juste exacerbé avec eux, un reflet de ce que la société en général a de pire, et on y participe aussi. (sans forcément narguer un sans-abri en lui agitant un billet sous les yeux sans lui donner, mais passer devant en l’ignorant n’est pas une bonne action non plus)
Il y a aussi une misogynie très forte et une haine de l’homosexualité très prégnante. Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin pour ces oppressions, mais en gros : les femmes sont traitées comme des objets, des faire-valoir et ne sont jugées que selon leur apparence. Le pire, c’est que ces hommes-là sont exaspérés par leurs conversations qu’ils jugent futiles, mais est-ce pour autant une raison pour eux de vouloir aller voir ailleurs ? Non, il leur faut quand même des blondes avec des gros nénés, qu’elles soient baisables. (je reprends leurs termes, hein) Quant aux homosexuels, ils sont considérés avec dégoût, les stéréotypes vont bon train et bien sûr, « pédé » est leur insulte favorite.
Et maintenant, vous allez me dire : « Et les meurtres ? Et les tortures ? » Ah ben je confirme que c’est très violent et assez dégoûtant. En même temps, j’ai aussi regardé tout ça avec un peu de distance. Ça reste horrible et Patrick Bateman ne peut pas être pardonné. (je l’ai détesté dans ces moments-là) Mais le monde dans lequel il évolue contribue à ce qu’il continue ces actions répréhensibles, vu que tout le monde s’en fiche et n’arrive même pas à imaginer et à croire qu’il puisse être capable de ça. (même quand c’est lui qui le dit !) De toute façon, se préoccupent-ils vraiment des victimes ? Je me suis posée la question et j’ai bien peur d’y répondre négativement…
Même s’il est capable de tuer n’importe qui s’il en a envie, difficile de ne pas voir que ses principales victimes sont des femmes, notamment des prostituées, donc des personnes précaires dont tout le monde se fout de l’existence. Son choix s’explique sûrement pour cette raison, mais aussi parce que son mépris abject pour les femmes est évident. Elles ne sont que des jouets pour lui. Et il peut aussi y associer le sexe, vu qu’il est hétérosexuel.
La société de consommation à outrance pousse sûrement à la recherche de plus en plus ardue de sensations fortes, d’adrénaline, il en faut toujours plus. On le voit bien dans les meurtres, sa façon de procéder de plus en plus ignoble, ses calmants et anti-dépresseurs ne fonctionnent même plus vers la fin.
Il y a des passages que j’ai trouvé tout à fait intéressants, c’est ceux où il parle de musique après certains de ses meurtres. Il y mentionne à chaque fois un de ses groupes préférés et on a droit à une analyse très détaillée de ce qu’ils ont fait. Au début, ça donne surtout l’impression qu’il est complètement détaché de ce qu’il fait, mais c’est aussi un peu plus que ça…
Je me doute que ce livre peut sûrement en rebuter plusieurs d’entre vous : l’enchaînement des noms de marques peut être assez redondant et la violence de ce que Patrick Bateman n’hésite pas à commettre n’est pas forcément à mettre entre tous les mains. Mais étant assez sensible à la violence, j’ai bien réussi à passer le cap de cette lecture sans trop de difficultés car je pense qu’il faut lire ce roman entre les lignes et que c’est le seul moyen de l’évaluer. C’est un portrait très réaliste de la société américaine de l’époque et des dérives auxquelles elle peut amener, l’écriture est certes assez froide, mais il n’y a pas de romantisme dans cette situation, donc la poésie est logiquement reléguée au placard. J’ai trouvé ce roman assez intelligent, Bret Easton Ellis a donc réussi son pari, malgré l’accueil mitigé de cette histoire, et je trouve d’ailleurs la fin très intéressante.
Merci pour cet article. Je me souviens d’avoir adoré ce livre. Je voulais le relire après avoir lu que Donald Trump y était régulièrement citer….
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Je l’ai beaucoup aimé aussi, voir Donald Trump cité plusieurs fois m’a surprise et en même temps, je me dis que ça faisait longtemps que le gars est un mauvais exemple (euphémisme, on est d’accord), que tout le monde le savait et que personne n’a empêché sa dangereuse ascension… Du coup, je me demande si Donald Trump est le plus flippant ou si c’est la passivité des autres. (comme pour Bateman en fait) Je me demande ce que pense l’auteur de l’élection de Trump du coup.
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Un roman choc, qui reste en mémoire!
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Oui, il me fait encore réfléchir alors que j’ai pourtant une autre lecture en cours !
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C’est le genre de roman que l’on adore ou que l’on déteste! Moi, j’ai adoré!
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Faut que je reprenne sa lecture, mais plus on avance dans l’histoire plus les meurtres deviennent hideux. Tu as raison Bateman ne ressent aucune émotion, aucune empathie pour les gens qui l’entourent, ce qui en fait un symbole de la société malade de consommation. Plus j’y pense, plus je me dis que ce livre est là pour dénoncer, pour apporter un regard très noir, très cynique sur la société des pays riches qui ne jurent que par l’argent et le matériel en délaissant le côté spirituel.
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Je ne peux qu’approuver ton analyse. 🙂 Je considère aussi que les autres sont responsables de laisser Bateman continuer ces meurtres. (je ne sais pas où tu en es dans ta lecture, tu verras bien) Bref, j’ai trouvé que c’était très intelligent comme roman, j’espère que tu arriveras à continuer ta lecture, mais si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave non plus 🙂
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Whaa, le cocktail violence physique / violence psychologique a l’air franchement puissant ! Ca m’intrigue énormément, et ça me rend un peu méfiante en même temps haha mais ta chronique est fantastique, très complète et tu avertis bien des risques et de ton propre ressenti…Il pourrait bien me tenter 🙂
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Oui, difficile de parler de ce livre sans prévenir qu’il y a vraiment de très grosses scènes de violence, mais si tu t’en sens le courage, je te le conseille 😉
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Alors Bret Easton Ellis est mon écrivain préféré, il regroupe ce que j’aime. Une critique de l’Amérique de l’époque Generation X. Une écriture percutante. Un engagement total dans son œuvre. Bien entendu il connait très bien le monde qu’il décrit et dans American Psycho il force le trait pour bien souligner l’absurdité de cette société. C’est violent mais c’est passionnant je trouve! ❤
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Tu me donnes envie d’en lire d’autres de lui du coup ! (surtout que si tu dis que c’est ton auteur préféré, American Psycho n’est sûrement pas son seul livre marquant…)
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Il faut lire Lunar Park après avoir lu quelques autres œuvres de lui. La démarche est assez passionnante et canalise beaucoup de ses sujets de prédilections autour de sa propre personnalité.
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Merci pour l’info ! 😉
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