Un funambule sur le sable, de Gilles Marchand

funambule-sur-le-sable-coverQuatrième de couverture

C’est l’histoire de Stradi qui naît avec un violon dans le crâne. A l’école, il va souffrir à cause de la maladresse ou de l’ignorance des adultes et des enfants. A ces souffrances, il va opposer son optimisme invincible, héritage de ses parents. Et son violon s’avère être un atout qui lui permet de rêver et d’espérer. Roman de l’éducation, révérant la différence et le pouvoir de l’imagination.

Critique

Je m’attendais à un traitement plus sérieux, pas forcément à l’histoire d’une vie. Est-ce que cela a finalement influencé mon opinion dans le mauvais sens ? Pas vraiment. Au contraire, ce livre m’a un peu servi de pansement mais on reparlera plus tard.

C’est l’histoire de Stradi (surnom donné par ses camarades de classe parce que Stradi = Stradivarius, un des meilleurs violons existants), un jeune garçon très attachant, dont on suivra son évolution en tant qu’adolescent, puis dans sa vie d’adulte. Et des complications, il va en avoir dès le début de sa vie : naître avec un violon dans la tête, ce n’est pas banal, et ça en fait un sujet de questionnements très intéressants pour la médecine… qui n’en mène de toute façon pas large. Faut-il l’opérer pour lui enlever ce violon ? N’est-ce pas un peu trop dangereux ? Faut-il lui donner un traitement ? Finalement, les médecins opteront pour le laisser grandir avec ce violon dans la tête pour ne pas perturber sa croissance. (et puis jamais personne n’a enlevé un violon d’une boîte crânienne)

Nous allons ainsi observer comment ce garçon va grandir avec ce statut pas comme les autres : celui d’handicapé. Oui, le violon se fait un peu remarquer en public en entamant une petite musique souvent en lien avec le contexte, Stradi a parfois du mal à se concentrer. Max, son ami dans la même catégorie que lui (il boîte), est un soutien important. Les voir grandir, c’est aussi voir comment ils sont traités par les autres, comment la différence est considérée par leur entourage. D’ailleurs, le jeune garçon aura été éloigné de la société pendant une bonne partie de sa petite enfance, fréquentant les hôpitaux un peu trop souvent pour son âge. Dès sa scolarisation, il pensera découvrir les joies d’être comme tout le monde… En vain. Tout lui rappellera qu’il n’est pas un garçon comme les autres. Tout le renverra dans cette catégorie où il espérait ne jamais rentrer en pensant pouvoir faire en sorte que son violon reste discret. Peine perdue, celui-ci rappelle son existence, réveille aux yeux du monde la différence du jeune garçon.

Et c’est ça qu’on va voir à l’œuvre dans cet ouvrage la plupart du temps : la mécanique de la différence. Que ce soit des sentiments négatifs comme la moquerie ou des réactions positives comme la curiosité, cela ne change rien au fond. Stradi est systématiquement relégué dans cette case. Même les personnes gentilles dans son école, certains de ses camarades, ne vont pas chercher à développer la relation comme avec n’importe quelle personne « normale ». C’est assez poignant de lire ça, surtout quand on sait qu’il n’en faut décidément pas beaucoup pour être rejeté, mais la situation de Stradi et Max est bien pire car ils ne font pas partie de cette société de valides.

Le livre ne s’arrête bien évidemment pas là. Comme je l’ai dit plus tôt, nous verrons Stradi grandir, avec de nouvelles problématiques, ou encore, toujours les mêmes questions sans réponse. Il fera l’expérience de la douleur, du rejet, de l’intégration manquée, de la culpabilité,  la sienne et celle de ses proches (ses parents notamment). Mais pas seulement, car Stradi est dans le fond un humain comme les autres, avec les mêmes interrogations que les autres, auquel son violon dans la tête vient se mêler, en musique de préférence et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Pas facile de maîtriser un compagnon pareil, ou plutôt… une partie de lui.

La présence de ce violon apporte une atmosphère de bien-être, de poésie, mais qui reste aussi contrebalancé par ce que le personnage principal vit à cause de lui. Pourtant, il aimerait pouvoir vivre avec ce qu’il est. Ce roman est tellement touchant par ce qu’il aborde, mais aussi car l’auteur a une plume assez remarquable. Je ne parlerai pas seulement de la fluidité de son écriture, qui permet un avancement dans le récit qui se fait tout seul, mais aussi une beauté bien plaisante, qui ne fait que renforcer certains aspects de l’histoire.

En effet, malgré les épreuves, j’ai trouvé que Stradi est un personnage qui reste assez optimiste. Les réflexions sont parfois dures, mais très honnêtes, très réelles. Le ton est léger, mais n’enlève rien à la profondeur du propos. J’ai été frappé plusieurs fois par le réalisme et la justesse de certaines d’entre elles, ça en fait un roman très intelligent. Les émotions ne sont pas du tout entravées, au contraire chaque page en est remplie selon moi. C’est doux, c’est apaisant. Certaines références littéraires du personnage principal et le rôle qu’une en particulier a pu jouer m’ont aussi fascinée.

Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est l’humour assez loufoque, plutôt absurde, qu’on peut parfois trouver dans certaines circonstances, avec certains personnages qui m’auront bien fait sourire. On compare ce qu’a fait l’auteur à Boris Vian, et si on retrouve un peu de ça, je ne suis pas complètement d’accord. Ici, c’est léger, aérien aussi, et ça a certes du charme, mais quand celui de Boris Vian dans L’écume des jours est partie inhérente de l’univers qu’il construit car elle est tout le temps présente, celui de Gilles Marchand a été appliqué en petites touches. Vous ne retrouverez pas Boris Vian en lisant ce roman, mais ça vous l’évoquera de temps à autre. Si vous comptez retrouver cet auteur classique avec Le funambule sur le sable, Gilles Marchand ne sera pas votre homme, et franchement, tant mieux : ce monsieur n’est pas une pâle copie, il a sa propre identité, un style tout ce qu’il y a de plus agréable et ravissant.

Mais venons-en maintenant à un fait que vous avez sûrement dû noter dès le début : c’est plutôt le genre d’histoires que je n’aime pas trop. En effet, j’aurais dû être repoussée par un tel livre, en particulier parce que je m’attendais à quelque chose de plus sérieux. Mais ce ne fut absolument pas le cas, le charme a opéré, j’ai été touchée par cette histoire. De plus, exploit s’il en est, je suis dans une période un peu difficile, la lecture étant laborieuse, au point de me diriger vers une panne de lecture. Est-ce que Le funambule sur le sable m’en a définitivement sorti ? Je ne sais pas, mais en tout cas, il m’a réconciliée avec. Je suis donc dans un état de reconnaissance envers ce livre. Chapeau, monsieur !

Et je termine cet article avec une chanson de Max, l’ami de Stradi, grand amateur de musique, et je dirais même plus, un grand professionnel. Pour lui rendre hommage, quoi de mieux que la chanson ultime ? (selon lui en tout cas) Laissons place maintenant à God Only Knows des Beach Boys :

24 réflexions sur “Un funambule sur le sable, de Gilles Marchand

  1. J’ai rencontré l’univers de l’auteur avec Une bouche sans personne, complètement par hasard, juste parce qu’il me semblait mis de côté dans la librairie et n’interessait personne.
    J’avais beaucoup aimé ! Comme celui-ci, on retrouve le thème de la différence, et des touches d’absurdes et poésie… ça me donne envie de lire Un funambule sur le sable aussi ! Et si ce livre t’a sauvé de la panne de lecture c’est qu’il doit valoir le coup !

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  2. D’accord. Alors. Ada. <- ça commence très mal pour toi cette succession de mots. ( je rigole bien sûr )
    En réalité je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, je savais bien que j'avais encore plus de chances de vouloir lire ce titre après avoir appris ton avis. C'est chose faite maintenant haha. Il faut vraiment que je me bouge le popotin pour faire mes lectures de cours et m'accorder du temps pour lire ce que je veux dans ma PAL, et découvrir Une Bouche sans personne. J'ai un peu le bon feeling pour cet auteur, il m'inspire quelque chose de très positif et je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression que je vais aimer. Surtout Un Funambule sur le sable, je pense que mon avis quand j'aurais pu le lire ( dès qu'il sort en poche je saute dessus quoi haha, je crois que c'est pour la Rentrée littéraire d'ailleurs ) sera similaire au tiens. La sensibilité dont tu parles ici fait pas mal résonance avec ce qui me touche.
    Bref ce commentaire est pas constructif, mais merci beaucoup pour ta très belle chronique. Mais pas merci de me donner encore plus envie de le lire nahmaisoh :p

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      • Je crois que, de ce que ça m’affiche, tu n’as pas le commentaire entier encore une fois… Tu as eu que « D’accord. Alors. Ada. » ? Si oui, y’a un gros couac, internet se met entre nous, ça va plus.

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      • Attends, je peux le lire en entier maintenant ! Oui, mais c’est étrange tout ça… Est-ce que ça me le fait avec d’autres personnes ? Hmm… Du coup, va falloir que je sois vigilante.
        Aha, je suis désolée de t’avoir donné envie à ce point ! Oui, quand je l’avais vu, j’avais trouvé que l’auteur dégageait quelque chose de très positif, comme toi. En plus, il ne part pas dans le gnangnan et les stéréotypes sirupeux. 🙂

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      • Si ça ne le fait qu’avec moi alors c’est un soucis qui vient de mon côté ( mais alors là pour le régler je ne saurais le faire… )
        Non mais t’inquiète pas, j’ai prévu mon coup, là j’ai pris du retard ( à mon goût mais bon ça va j’ai deux mois faut que j’me détend un peu du genou là hein je m’auto-gonfle ) dans mes lectures mais je lis la brique qu’est 93, et je m’en fous je me fais une pause ( au bout de seulement deux livres du programme haha ) pour me lire le livre de Gilles Marchand mais j’ai trop envie de le découvrir !
        C’est le genre d’auteurs que tu as envie de connaître mieux, voire au quotidien tellement il est avenant et sympathique. ( Et en plus il m’avait fait grande impression parce qu’il s’habille drôlement bien. Mais ça, c’est superficiel. )

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      • Ouais, mais je vois pas en quoi tu serais plus responsable que les autres…
        En plus, je t’ai taguée sur un article que je publie demain, je trouvais que t’avais pas assez de boulot comme ça 😛
        J’espère que tu auras le temps de le lire alors ! C’est vrai qu’il avait été une petite bouffée d’air frais après mon big fail avec une autrice xD

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      • Je sais pas peut-être que j’ai trifouillé un truc qu’il fallait pas en changeant de thème. xD
        Ah bah wp m’a pas prévenu tiens ! Ca fonctionne un fois sur deux d’être prévenu quand on te tag de toute manière alala. T’inquiète pas faut bien que je m’occupe du blog de toute manière non ? 😉 Au pire du pire j’le mets sous le coude pour le publier plus tard mais je le ferais !
        Bon peut-être pas direct après 93 en fait parce que j’emmagasine le retard vu mon superbe rythme de lecture haha mais j’y tiens, je le lirais durant l’été. è3é

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      • Je voulais en mettre 5 à la base, je crois que c’est de là que vient la confusion… Et je voulais pas te rajouter du boulot finalement. Breeef, tout est confus dans ma tête. Fais ce que tu veux ! (le boulet que je suis)

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      • Haha pas de soucis. Oh tu sais un tag c’est plus du repos que du boulot je trouve, c’est toujours très détente à faire ! Je vais lire tes réponses, j’avais à peine survolé pour voir si je m’étais pas trompée. ^^’

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