Les Somnambules, de Hermann Broch

les-somnambules-coverQuatrième de couverture

Les Somnambules est le premier tome d’une trilogie romanesque qui conduit le lecteur de l’Allemagne impériale à l’effondrement de 1918. L’écroulement des valeurs qui avaient soutenu la société allemande tout au long du XIXe siècle est décrit par le menu dans ses trois volets, étapes de cette dégradation. « L’Histoire a détruit l’Europe centrale. Le grand roman de l’Europe centrale a détrôné l’Histoire. » Milan Kundera.

Critique

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge 12 mois, 12 amis, 12 livres.

Je… n’ai pas tout compris.

Ce roman comporte trois histoires, dans lesquelles l’auteur nous parle de la dégradation des valeurs en comparant trois époques différentes : Pasenow ou le romantisme (1888), Esch ou l’anarchie (1903) et Huguenau ou le réalisme (1918). Il m’a fallu atteindre la troisième histoire pour commencer à voir où l’auteur voulait en venir, donc armez-vous de patience durant cette lecture. D’ailleurs, je ne conseille pas cette dernière à tout le monde, j’y reviendrai plus tard en détails.

Le premier récit avec Pasenow ne m’a pas passionnée des masses, surtout que j’ai trouvé certaines choses absurdes… dont certaines réflexions du personnage principal. Et je vous confirme que Pasenow est un digne représentant du romantisme ! D’ailleurs, ce que j’ai pris pour de la parano (mais peut-être pas, me suis-je fait la réflexion plus tard) m’a beaucoup fait rire, ce qui prouve que j’arrive toujours à rigoler de quelque chose même quand le roman est austère. (mais là, il n’y avait aucune raison de rire, c’est surtout mon incrédulité qui a joué)

Le second récit avec Esch m’a laissé perplexe : même s’il m’a plus intéressée que le premier, sachez que ce n’est pas grâce à la sympathie que vous aurez envers les personnages que ça vous fera accrocher au roman. Esch m’a exaspérée, et les autres personnages n’étaient pas en reste. Huguenau dans la troisième histoire ? Vous allez adorer le détester (cette fois, digne représentant du réalisme). Mais comme je viens de le dire, l’amabilité que peuvent nous inspirer les personnages n’a nullement lieu d’être car ils servent la critique de l’auteur.

Avant d’enchaîner sur le fond, il faut parler de la forme, qui a été le plus gros point fort de ce roman à mes yeux : l’écriture est superbe et l’auteur nous offre de nombreux passages que je me suis régalée à lire. J’espère quand même que vous aimez un minimum les descriptions, mais même sans ça, en se plongeant juste dans les pensées et les réflexions des personnages, on trouve des passages sublimes, très intéressants, qui nous amène aussi à la réflexion. Vous l’aurez compris, ce livre va vous remuer un peu les méninges.

Mais bien évidemment, la réflexion ne va pas s’arrêter au style d’écriture. Hermann Broch va rentrer dans le vif du sujet avec l’histoire de Huguenau (dans laquelle on retrouvera d’ailleurs Esch et Pasenow), déserteur durant la Première Guerre mondiale qui va tenter de monter une affaire dans un bled en filoutant un peu. Tout le long, l’auteur va distiller une sorte d’essai au sein même de cette histoire, intitulée « dégradation des valeurs ». Et c’est là que les ennuis vont commencer pour moi (bon ok, ça avait déjà commencé avant, mais j’avais encore de l’espoir).

Avant d’atteindre le troisième récit, il y avait déjà eu deux passages où je n’avais rien compris (vous allez l’entendre très souvent à partir de maintenant) et je ne comprenais pas l’intérêt des deux premiers, j’espérais que l’auteur éclaire ma lanterne avec ces moments « dégradation des valeurs ». Ça avait pourtant bien commencé, ça me passionnait. Sauf que… ça a commencé à se compliquer par la suite. Vous aimez la philosophie ? Vous connaissez son langage atroce ? Tant mieux, parce que vous allez en avoir besoin. Je ne peux même pas vous dire ce que je n’ai pas compris vu que je n’ai rien compris, ou pas grand chose.

Il faut dire que j’étais déjà plongée dans la confusion avant d’y arriver. Les personnages me semblaient irrationnels par moments, et s’il y a bien quelque chose que l’auteur démontre, c’est le problème de cette irrationalité chez des personnages qui sont plutôt rationnels à la base et qui vivent leur vie sans se poser des questions (là-dessus, Broch aura aussi des choses à dire). J’en viens même à me demander si le titre du livre n’a pas un rapport avec ça… Les personnages (principaux comme secondaires d’ailleurs) ont-ils l’idée de marcher vers un véritable objectif ? (je me pose peut-être une fausse question) En fait, j’avais l’impression de comprendre la situation tout en faisant face à mon incompréhension face à certaines réflexions et certains agissements des personnages, d’où ma difficulté à rédiger cette chronique l’esprit clair et organisé.

En commençant à lire les premiers passages de la « dégradation des valeurs », j’étais très contente car c’était très intéressant en plus d’être compréhensible. C’est là que j’ai réalisé, par exemple, que l’auteur était profondément contre la guerre. Je m’étais dit que ce récit allait enfin devenir passionnant. A part que je n’avais pas les éléments de langage de la philosophie… et que, par conséquent, la suite du propos m’échappait complètement.

On va me dire « t’avais qu’à chercher pour comprendre, gneugneugneu », à part que ça faisait déjà deux semaines que j’étais sur cette lecture et oui, vous pouvez me le reprocher, ma patience était devenue très mince. Je l’ai fait une première fois, mais je vous laisse deviner qu’il y avait bien plus d’un terme dont je devais chercher la définition philosophique, donc j’ai vite abandonné.

Cette lecture était donc très agréable par moments, mais aussi assez complexe et je pense que je ne suis pas encore en mesure de comprendre l’intégralité de ce livre. (les niveaux de lecture, tout ça) Je pense qu’il va falloir que je me penche un de ces jours sur la philosophie, ses expressions, car les histoires ne m’auraient pas paru autant obscures si j’avais eu ces armes-là en main. Je ne dis pas qu’il y a que ça car après tout, il y avait tout le reste à côté de cet essai. Je me reproche surtout de ne pas avoir probablement été plus loin que mon propre schéma de réflexion et que c’est sûrement la raison pour laquelle j’avais parfois l’impression d’avoir le cerveau embrumé. Je suis donc fautive de cette lecture manquée de par l’insuffisance de mes connaissances en philosophie et de mon manque de pensée profonde.

Vous l’avez donc compris, ce livre comporte essentiellement des réflexions philosophiques et vous amènera sur des pentes d’idées qui vous sortiront de ce que vous avez peut-être l’habitude de lire. Je pense que ce livre est intéressant mais que je suis aussi passée à côté. Je le relirai sûrement dans quelques années, en espérant que je serai plus à même de le juger proprement.

Merci à La viduité pour m’avoir conseillé cette lecture (tu m’as quand même surestimé). Ça peut paraître être un échec mais pour moi, c’est plutôt une demi-défaite : je sais que je retournerai vers ce livre dans quelques années armée de clés de compréhension. (j’avoue aussi que je n’ai pas aimé lire un livre qui m’a autant filé des doigts comme du petit savon et ça me frustre, l’égo blessé, aha)

18 réflexions sur “Les Somnambules, de Hermann Broch

  1. Une très belle chronique. Dans mes souvenirs l’incompréhension fait partie du projet de lecture de Broch : au fond ses personnages ne sont que des somnambules, traversent l’époque sans rien y comprendre. Ça fait un moment que je veux le relire mais je ne me souviens pas d’un roman à tendance philosophique. Tu n’es d’ailleurs pas la première à me dire que ce livre est très complexe…

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    • Merci beaucoup ! Bon, ça me rassure un peu, parce que je n’ai pas l’habitude de ressentir de l’incompréhension pour un livre. (mon interprétation du titre n’est donc pas si fausse)
      Le roman en lui-même n’est pas forcément philosophique, mais le petit essai intitulé « dégradation des valeurs » l’est fortement par moments, et je me suis dit qu’il aurait peut-être fallu que je m’y connaisse dans le domaine, que je sache réfléchir sur le sujet pour mieux comprendre le reste. Mais vu ton commentaire, ça n’a peut-être rien à voir ?

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    • Je trouve pas vraiment que je suis dure avec moi-même, c’est juste que ce livre est au-dessus de ce que j’ai pu lire jusqu’à présent, et du coup, j’ai pas su le lire comme il faut. Si tu le lis un jour, j’espère que tu seras prête 😉

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  2. Je trouve aussi que tu es assez dure avec toi.. D’accord il peut y avoir des niveaux de lecture, mais l’auteur semble avoir clairement visé un public assez « averti » si j’ose dire, et a décidé d’en exclure d’autre par un niveau de difficulté… Je ne pense pas que tu étais « en dessous », que tu n’avais pas les connaissances pour, mais que ce livre ne t’étais pas directement destinée. (et le « manque de connaissance » est alors un corrélat, non le facteur premier. Ce n’est pas super clair ce que j’essaie de dire. )
    en tout cas j’aime bien ton interprétation du titre, qui semble tout à fait pertinente.
    Je passe ma route pour cette pavasse, mais ça restait intéressant d’avoir ton avis.

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    • T’inquiètes, j’ai bien compris ! Oui, c’est possible qu’il s’adressait à des lecteurs plus avertis que moi, mais en fait, j’ai trouvé des passages compréhensibles, d’autres non, alors je sais pas…
      Apparemment, je pense avoir raison pour l’interprétation du titre 😀

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  3. Je rejoins mes voisins du dessus, tu es un peu dure avec toi même ! Mais nous ne sommes jamais les meilleurs juges de nous même après tout. Comme toit ça me frustré de savoir qu’ y a des choses qui m’échappent mais du je me concentré sur le style et la beauté poétique dans ces cas là. Si je ne comprends pas rationnellement je comprends par instinct. Fait confiance à ton instinct il ne te trahira jamais !

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  4. Je ne connaissais pas ce livre et, bien que ta chronique soit passionnante, je ne pense pas le lire tout de suite. Outre les problématiques de PAL, je le savourerai peut-être davantage dans quelques années avec peut-être plus de clefs pour le comprendre. Merci pour la découverte malgré tout !

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  5. Je trouve ça super que tu oses dire que tu n’as pas tout compris à un livre, j’avoue que je me sens un peu nulle parfois quand je comprends pas des choses, alors qu’en fait, on ne peut pas comprendre certaines notions, ou mots, en philo par exemple, si on n’a jamais eu d’explications! 😉 Bon, par contre je t’avoue que j’ai pas des masses envie de me tordre le cerveau avec ce livre ^^

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    • Je pense qu’il faut être dans de bonnes dispositions, et ce n’était pas le cas pour moi d’ailleurs, mais mon énervement et mon obstination ont eu raison de moi, aha. Je te rassure, je me suis sentie nulle aussi !

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