Le confinement a continué ce mois-ci et mon humeur a pas mal oscillé. Ma concentration était légèrement meilleure qu’au début du confinement, ce qui n’empêche pas la lectrice exigeante en moi de râler parce qu’elle trouve qu’elle a peu lu. Je râle surtout parce que je trouve ma capacité de lecture à chier au point que ça m’a parfois gâché ce moment.
Ceci dit, j’ai eu de très bonnes lectures. Vous pouvez d’ores et déjà accueillir Simone Weil dans ma liste d’auteurs et autrices préféré.e.s.
Second manifeste convivialiste
J’ai eu très vite l’impression que je n’allais pas être convaincue par ce livre et je ne me suis pas trompée. Dès l’introduction, des choses m’ont titillé. Et puis bon, un livre qui dit à un moment « Gaïa se venge », excusez-moi de ne pas y apporter trop de crédit. La personnification de la Terre est fausse et contreproductive. Heureusement, ils n’ont dit ça qu’une fois… Bref, ça partait mal à mes yeux. De plus, je trouvais que l’essai péchait de par sa naïveté et son manque de connaissances : le capitalisme n’est pas un problème depuis qu’il est devenu rentier et spéculatif dans les années 80. C’est un problème depuis le début de son existence. Et puis vouloir revenir à un niveau d’existence comme celui des années 70… C’est très occidentalo-centré comme vision alors qu’il y a des contributions du monde entier dans cet ouvrage. Tout le monde n’en bénéficiait pas et ce niveau de vie se basait en grande partie sur l’oppression d’autres populations… Merci mais non merci. Pourtant, il y a de bonnes idées. Ils ont plutôt bien décrit les raisons de la crise climatique, ce qui part d’habitude dans tous les sens. Leur appel à la solidarité et la justice, leur rappel qu’il y a des « inclus » et des « exclus », ça m’a bien plu. J’ai apprécié d’autres analyses, comme apprendre à contrôler ses pulsions égoïstes et individualistes, le fait que l’éthique manque dans notre monde actuel, etc. Parfois, la lecture était vraiment intéressante. Et à d’autres moments, elle m’agaçait énormément.
Né pour la liberté – Conditions premières d’un travail non servile – La Personne et le sacré – Note sur la suppression générale des partis politiques – Contre le colonialisme (Simone Weil) Lire la chronique
Ces cinq livres de Simone Weil sont courts mais foisonnant de réflexions qui vous feront remettre le monde (et vous-même) en question. On y parle de la liberté, du travail, de politique, de colonialisme et d’un sujet philosophique difficile à résumer en quelques mots.
L’esclavage au Massachusetts (Henry David Thoreau)
Je… ne m’attendais pas à ça. Thoreau avait cette tendance à une certaine modération au début, bien qu’il avait déjà une plume acérée. Dans ce livre, où il dénonce donc l’esclavage et le rapport du Massachusetts avec cette pratique monstrueuse, on retrouve bien son indignation. Il pointe du doigt sans faiblir la contradiction entre la liberté absolue des hommes blancs, dont la Constitution des Etats-Unis s’est forgée là-dessus, et celle inexistante des hommes noirs, alors que nous sommes, dans les deux cas, face à des êtres humains. Mais ce n’est même pas ce qui m’a le plus marqué. Il ne prend vraiment pas de gants, et encore, je ne sais pas comment le dire sans avoir l’air d’adoucir les choses. Grosso modo : il défonce les politiques, la presse, la justice. Je ne sais même plus quoi dire. Bien sûr, ils ne les insultent pas, n’utilisent pas ce genre de bassesse, ni aucune autre d’ailleurs. Mais leur indignité suffit à se faire réveiller le volcan. Il y a différents types d’ironie utilisés : entre celle de Camus, de Weil et de Thoreau, ce n’est pas la même chose. Mais à chaque fois, ça fait son petit effet. Thoreau est extrêmement franc et n’hésite pas à balancer leurs quatre vérités aux catégories susmentionnées l’air de rien. Mais ça a l’air de faire mal en tout cas.
Être forêts (Jean-Baptiste Vidalou)
Un peu sceptique en commençant à lire ce livre. Il y avait des tendances à parler de magie, à parler de « la forêt qui se venge »… J’ai horreur de la personnification de la nature et du mysticisme flou mais bien pratique pour valoriser la « Nature ». Ça commençait donc plutôt mal de mon côté. De plus, au fur et à mesure de ma lecture, même si ça s’arrange sur les derniers chapitres où elles sont présentes, le manque de sources est flagrant. Et je n’ai pas le recul nécessaire pour juger si son analyse est bonne. Bref, je n’étais pas en joie. Heureusement, j’ai su finalement, au-delà de ses critiques, voir l’aspect positif de cet essai. On apprend pas mal de choses sur les forêts, leur gestion (comptable, et donc catastrophique) au fil de l’histoire de ces derniers siècles, le fameux « aménagement du territoire », la résistance que permettent les forêts, l’interconnexion qu’il faut préserver avec elles. J’ai eu un peu de mal à me concentrer dessus à cause des défauts décrits plus haut mais sachez que ce n’est pas ce qu’on retient majoritairement de cette lecture. J’y ai vu une certaine ouverture d’esprit, un appel à traverser cette frontière qu’on a tracé entre nous et le reste… Il a rappelé que le concept de wilderness n’est pas ce qu’on croit (avec comme source William Cronon, donc ça m’a rassurée) et je pense que beaucoup tomberaient de haut en découvrant qu’en fait, la vie sauvage n’est que ce qu’on veut en voir. Si c’est « moche » selon nos critères, baaah… Le respect pour la nature est mort. Si je le savais déjà, ce sera sûrement intéressant de le lire pour d’autres. Je relirais peut-être ce livre quand j’aurais plus la tête à ça.
Le capitalisme patriarcal (Silvia Federici) Lire la chronique
Le titre en dit déjà bien assez long, mais en gros : l’autrice analyse en quoi Marx a été un allié des féministes mais aussi en quoi c’était insuffisant, l’objectif des féministes étant de dépasser son argumentaire. De plus, la femme en tant que ménagère et psychologue sexuelle ne vient pas de notre nature de femme, mais a bel et bien été développé par le capitalisme pour servir ses intérêts, et elle explique pourquoi et comment.
L’Exil et le Royaume (Albert Camus)
Ceci est un recueil de nouvelles qui a décidé le comité du Nobel à décerner à l’auteur le prix Nobel de littérature en 1957. Ça peut se comprendre ! Même si je ne l’ai pas trouvé excellent, certaines nouvelles sortent du lot. Par exemple, « La femme adultère » : vous vous imaginez une histoire d’adultère classique ? (ou il n’y a que moi ?) Connaissant un peu la vie personnelle de l’auteur, ça n’a fait que renforcer ce préjugé. Ce n’est pas tout à fait ça, c’est beaucoup plus subtil, je m’attendais à autre chose. La nouvelle « Les Muets » fera dire aux droitards de service que voilà, faut pas être méchant avec les patrons car on est tous humains, mais je ne pense pas que c’était le point de Camus (mais je ne peux pas spoiler, désolée). Ma nouvelle préférée, « L’Hôte », est surprenante : un homme de la police arrive chez un instituteur qui ne peut plus faire cours à cause de phénomènes météorologiques (il a neigé, quoi) avec un prisonnier, et il confie la tâche à cet instituteur d’escorter celui-ci jusqu’à une ville à une vingtaine de kilomètres pour qu’il y soit condamné (à mort, il a tué quelqu’un). Le début de la nouvelle est assez incongrue à mon sens, et le reste a failli m’arracher une larme. Dans tous les cas, les nouvelles sont humanistes et font toutes réfléchir sur nos principes (certaines me laissent encore pensives). Toutes ? Sauf une qui m’a résisté : « La Pierre qui pousse ». Ne me demandez pas de quoi ça parle, j’ai craqué avant de le savoir. Mon problème ? L’utilisation décomplexée de mots comme « nègres », « négrillons, « mulâtres »… Oui oui, je sais, il faut remettre dans le contexte de l’époque, sauf que ça ne passe toujours pas. Je n’ai pas pris en compte que cet élément qui est déjà insuffisant en soi (le livre a été publié en 1957) mais aussi le fait que l’auteur se revendiquait comme antiraciste. S’il avait ses faiblesses, celles de ses fictions apparaissent un peu trop à mon goût. Il n’a absolument pas remis en question ce genre de termes déshumanisants. C’est vraiment décevant, d’autant plus que je ne retrouvais pas la patte de l’auteur au début de cette nouvelle, donc je n’ai fait aucun effort pour la terminer.
Réflexions sur la guillotine (Albert Camus)
Normalement, une autre partie a été rédigé par Arthur Koestler mais dans mon édition, je ne l’ai pas. C’est dommage, j’aurais bien aimé la lire. Je pense que je me procurerai l’édition que vous voyez en photo un jour. Dans celle écrite par Camus, on retrouve bien l’humanisme mais surtout le pragmatisme de l’auteur. On ne peut guère l’accuser de sensiblerie car ce n’est absolument pas le cas. Il démonte les arguments de celles et ceux qui encouragent la peine de mort avec des arguments rationnels. Il utilise aussi des statistiques mais je rassure les réfractaires, il est loin d’en abuser. J’ai trouvé son argumentaire implacable, à croire qu’il a prévu tous les contre-arguments et qu’il avait prévu de décontenancer l’autre camp. Je n’ai pas grand-chose à dire de plus (je n’ai pas à râler comme pour le recueil de nouvelles), je vous laisse donc juges. Bon, j’ai appris comment ça se passait pour le corps guillotiné, je suis dégoûtée à vie. Mais je vous assure, en-dehors de ce moment gore mais nécessaire, cet essai est très bien. L’auteur m’a une fois de plus bluffé.
Bon, j’ai quand même lu pas mal, et vous aurez remarqué que, à part une exception, ce n’est que de la non-fiction. Je n’arrive pas à me concentrer sur des fictions, à l’exception de L’Exil et le Royaume (j’avais besoin d’une pause). Je suis encore bien trop perturbée par notre situation.
J’ai écrit un article sur mon évolution sur le sujet de l’écologie qui, je l’espère, fera se sentir moins seules certaines personnes.
Je pense que mai sera sur la même tendance qu’avril en terme d’essais. Est-ce que je lirais enfin des romans ? Rien n’est moins sûr, je préfère ne pas m’avancer. Je dois aussi avouer que je ne lis pas n’importe quel essai, dans le sens où je lis beaucoup de choses humanistes ou en rapport avec notre condition dans la société. J’avais commencé un livre sur la nature qui est en suspens pour le moment, bien que j’ai réussi à lire Être forêts.
J’espère que vous allez bien ! Si vous n’arrivez pas à lire, ce n’est pas grave, j’ai cru que ma colère et mon angoisse permanente allaient m’en empêcher, alors ça se joue à peu !
Les essais c’est bien, c’est intéressant mais là j’avoue je passe mon tour. Je m’y remettrait prochainement parce que j’aime ça cependant pour l’instant j’ai besoin d’évasion, de fantaisie, d’amour, d’humour, de voyages…
En tout cas je liste certains pour les lire plus tard 🙂 .
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Tes envies de fiction sont majoritaires, je crois bien être la seule à encore en lire assidûment ! Je dois être un peu maso…
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Il y a des périodes pour toutes choses. Les envies ça va ça vient. Ce qui compte c’est de les écouter 🙂 .
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C’est marrant moi ça me fait l’effet inverse, j’ai un besoin urgent de me réfugier dans des fictions en ce moment !
Merci pour ces chronique 🙂
« Bon, j’ai appris comment ça se passait pour le corps guillotiné, je suis dégoûtée à vie. »
J’ai une forme de curiosité un peu morbide je crois mais j’ai peur de faire des recherches là dessus… (ça a beaucoup été présenté comme la manière la plus « rapide » de tuer, j’imagine que c’est pas aussi simple que ça. Brr.)
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Oui, mais tout le monde veut lire de la fiction pour se changer les idées, ce que je comprends, ça paraîtrait logique que ce soit mon cas, mais non… J’aime souffrir.
De rien, c’est très gentil !
Je ne satisferais pas ta curiosité en commentaire mais apparemment, ce n’est pas si simple que ça, en effet, brr…
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Je comprends en partie, moi aussi je tourne en boucle sur l’actualité et j’enrage, j’ai du mal à travailler d’ailleurs. Je cherche à renouer avec les fictions comme bouées de sauvetage mais c’est pas toujours mon premier réflexe non plus
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Ben en fait, avec l’actualité, c’est dur de se déconnecter… Du coup, comme toi, j’enrage et j’en profite pour lire certains essais en particulier pour apaiser ma frustration (en partie).
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Très belles lectures! Je me suis un petit peu réfugié dans les essais également! Et ça fait du bien d’en voir un peu sur la blogosphère. 🙂 Je note pour les livres de Simone Weil et Le capitalisme patriarcal !!
Bonnes lectures pour le mois de mai 🙂
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Merci pour ton commentaire ! Je me sens moins seule, tout le monde préfère lire de la fiction pour se changer les idées (ce que je comprends).
Bonnes lectures à toi aussi !
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