Moi, les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange – les livres féministes #23

(la couverture n’est pas sensée être violette ?)

Vous n’avez déjà pas envie de lire ma chronique à cause du titre du livre ? Ben allez-vous-en, vous ne serez pas une grosse perte. Un véritable allié du féminisme ne s’arrêterait pas à ça.

Il fallait que je joue la provocation aussi. C’est sûrement ce que vous pensez du titre, non ? Que c’est de la provocation ? Baaah… Oui et non.

Oui, dans le sens où cela va effectivement attirer votre attention. Non, car il s’agit bien de détester les hommes et qu’encore une fois, non, ce n’est pas une déclaration ironique.

Je vous sens déjà sceptique. Voici une citation qui explique un peu mieux ce qu’implique l’accusation de misandrie (détester les hommes, donc) :

L’accusation de misandrie est un mécanisme de silenciation : une façon de faire taire la colère, parfois violente mais toujours légitime, des opprimées envers leurs oppresseurs. S’offusquer de la misandrie, en faire une forme de sexisme comme les autres et tout aussi condamnable (comme si le sexisme était condamné…), c’est balayer sous le tapis avec malveillance les mécanismes qui font de l’oppression sexiste un phénomène systémique, appuyé par l’histoire, la culture et les autorités. C’est prétendre qu’une femme qui déteste les hommes est aussi dangereuse qu’un homme qui déteste les femmes – et prétendre qu’elle n’a aucune raison de ressentir ce qu’elle ressent, que ce soit de l’hostilité, de la méfiance, ou du mépris.

(je suppose que je déteste les hommes vu que je m’en méfie)

Toujours pas convaincu ? Et pourtant :

Outre le fait qu’elle décrédibilise la cause des femmes, il paraît que la misandrie est très difficile à vivre pour les hommes : une violence insoutenable qui, à ce jour, totalise l’intolérable forfait d’exactement zéro mort et zéro blessé.

(les mecs qui vont me sortir le nom de Jacqueline Sauvage, vous savez ce que je vais vous répondre ? Sinon, réfléchissez bien)

Trêve de bavardages, ce livre est d’abord pour les femmes, même si je pense que les hommes peuvent le lire (mais pas n’importe lesquels, cela dépend de leur capacité de remise en question).

L’autrice rappelle ce pourquoi on peut détester les hommes et en quoi il est légitime de les détester. Elle rassemble quelques faits de violence misogyne qui sont majoritaires (on atteint les 90% pour certains cas) et retrace les raisons pour lesquelles les femmes sont, de très rares fois, violentes envers les hommes : très souvent parce que ces derniers sont eux-mêmes violents… et que c’est généralement une question de vie ou de mort.

Mais il n’y a pas que la violence physique, même si c’est déjà trop. La violence psychologique, la différence d’éducation (qui fait qu’une femme aura tendance à s’auto-censurer quand un homme fera preuve d’arrogance même quand il est médiocre), la charge mentale et émotionnelle… Je continue ? Non mais ce n’est pas à moi de faire tout le boulot, merde. Lisez le livre.

D’ailleurs, elle en parle, du fait que les hommes ne se renseignent pas par eux-mêmes sur le féminisme, que quand un homme est déconstruit, une féministe épuisée est souvent derrière. Et les lauriers seront pour lui, bien évidemment.

Pauline Harmange évoque aussi le fait qu’on est légitimes d’être en colère, que nos réactions, que ce soit des cris, des pleurs, ou autres, sont fondées. Seulement, on n’en a pas l’habitude car on nous reproche justement que ce genre de réactions est illégitime, trop émotionnelle. Pour nous dire qu’ils sont du côté de la raison (et donc, il est facile d’ignorer ce qu’on ressent), il y a du monde. Mais du coup, on se restreint.

Je ne vais pas tout spoiler. Les hommes, s’ils sont ouverts d’esprit et au féminisme en particulier, devraient lire ce livre rien que pour la première partie. Pour comprendre enfin ce qu’on leur reproche et ce qu’on leur demande (d’arrêter de soutenir leurs potes agresseurs, au hasard).

Mais tout le livre est pour les femmes. L’autrice le dit bien : les hommes sont optionnels dans notre combat. Si ces derniers continuent à se braquer, c’est triste mais tant pis : on agira sans eux et avec nos véritables alliés.

Cette première partie est un soulagement. Ça fait tellement du bien de voir écrit noir sur blanc tout ce qu’on a sur le coeur !

Et les derniers chapitres sont consacrés au soutien qu’on devrait se donner entre femmes, à la fameuse sororité. Si certaines vont s’accorder à dire que ça ne peut pas s’appliquer à toutes les femmes (en tant que grosse rancunière, j’en fais partie) et que ce terme est donc un peu limité, là n’est pas la question. Pendant que les hommes se soutiennent entre eux sans vergogne, il ne faut pas que les femmes hésitent à se serrer les coudes en réponse.

Ce livre est une ode aux relations entre femmes. Non, si vous voulez voir des relations lesbiennes à travers le male gaze, passez votre chemin, ce ne sera ni dans ma chronique, ni dans ce livre.

Nous, nous, nous. Les femmes.

Oui, la société a tendance à vouloir nous monter les unes contre les autres. Ce n’est pas comme ça que la libération des femmes va fonctionner.

J’ai trop parlé des hommes d’ailleurs.

L’autrice nous encourage à oser dire et faire, à ne pas prendre l’injonction à l’hétérosexualité au pied de la lettre, d’apprendre que notre valeur ne dépend pas de celle que veut bien nous accorder un homme (« soyez médiocre comme un homme »). D’être en colère si on veut, et si on en a la possibilité, de l’utiliser pour rentrer en action.

Le ton de l’autrice est doux (plus doux que celui de ma chronique, ahem). Non, la franchise de ce qu’elle a à dire ne l’en empêche pas. Ce sera peut-être aigre pour les lecteurs, mais ça sera comme un bonbon apaisant pour les lectrices. Je l’ai lu une deuxième fois, personnellement. Je le conseille cent fois aux femmes. On voit que l’autrice en est une et qu’elle nous comprend (les deux ne vont pas forcément ensemble vu qu’il existe des femmes antiféministes), qu’elle nous parle surtout à nous, ses soeurs. Qu’elle appelle à la solidarité et à l’amour entre nous. On n’est pas toutes obligées de se kiffer mais on peut se protéger mutuellement face au patriarcat par contre.

Un livre à lire si vous êtes féministe ou sur le chemin.

(d’ailleurs, vous avez le blog de Pauline Harmange si vous voulez en savoir un peu plus sur elle et son écriture, Un invincible été)

16 réflexions sur “Moi, les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange – les livres féministes #23

  1. Je ne sais pas quoi penser, je dois dire. Autant l’aspect systémique du sexisme me paraît évident et doit être pris en compte, autant je comprends qu’on puisse détester DES hommes, autant détester les hommes dans leur globalité me paraît aussi extrême et – pour ma part – impraticable que de soutenir aveuglément toutes les femmes sur la seule base d’une appartenance au même genre. Si ça fait de moi une mauvaise féministe, tant pis, j’assume…

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    • Soutenir TOUTES les femmes, à tous les niveaux, ce ne sera pas possible pour moi non plus, je crois que tu l’as compris. Je peux dénoncer des agissements sexistes envers elle mais ça n’ira pas plus loin. Je pense que détester LES hommes dans leur globalité dès le départ, ça permet aussi de garder à distance la majorité de mecs problématiques et de ne pas se mettre en danger d’une quelconque façon. Si un mec est fréquentable, il n’a qu’à faire ses preuves… Le patriarcat est un avantage pour lui, qu’il le veuille ou non. S’il a besoin de devoir nous enfoncer pour sa progression personnelle, les chances sont très grandes qu’il le fasse malgré ses « valeurs féministes ». C’est d’ailleurs pour ça que je considère qu’un mec ne pourra jamais être féministe. Je dois être trop cynique mais mon expérience et mes observations me mènent à penser qu’ils nous trahiront si le féminisme leur demande trop de sacrifices par rapport à leurs privilèges.

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      • Je pense que c’est beaucoup une question de vécu, au fond. Moi je suis probablement trop naïve, mais j’ai tendance à prêter attention d’abord aux côtés positifs chez les gens, et à faire confiance a priori. Il faut que l’on me déçoive activement pour que je révise mon opinion. Et comme ça m’a plutôt réussi jusqu’à maintenant, c’est vrai que j’ai beaucoup de mal à imaginer fonctionner à l’inverse. Mais je comprends qu’en fonction des expériences qu’on a eues, on puisse voir les choses différemment.

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      • Ahaha, je suis comme toi, je vois le positif chez les gens d’abord, puis je suis souvent déçue ! Tu as raison, question d’expérience différente. Et comme je suis toujours déçue que chez TOUS les hommes, l’intérêt pour le féminisme est quasiment inexistant, je me méfie énormément… Je peux changer d’avis positivement sur des hommes mais c’est rare, et le seul mec que je fréquente, il s’y connaît pas en féminisme, heureusement qu’il a d’autres qualités x)

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  2. J’ai entendu parler de ce livre à cause de la censure qui plane dessus (c’est toujours comme ça, menacer de censurer un texte c’est en provoquer la publicité voire l’apologie, j’adore ce paradoxe !). Pour répondre au commentaire ci-dessus, pour ma part je déteste tous les hommes a priori, puis j’en laisse quelques-uns dans mon cercle une fois qu’ils ont fait leurs preuves. Pour moi, c’est coupable jusqu’à preuve du contraire, parce que je n’ai plus le temps de voir mes espoirs réduits en miettes ni l’énergie de faire de la pédagogie… Donc oui, c’est extrême, c’est radical, mais c’est une question de santé mentale.

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    • Parfois, ce concept fait la pub de bouquins qui incitent à la haine (celle qui en vient à la violence psychologique et physique) mais là, ça tombe bien, en effet ! Je rejoins ton commentaire… J’ai trop souffert ces derniers temps, je n’en peux plus.

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  3. Je rattrape mon retard sur ton blog, et quel plaisir de lire tes chroniques ! J’ai aussi beaucoup aimé Moi les hommes, je les déteste parce que ça m’a permis de me dire qu’être misandre, c’était pas quelque chose de mal. Et que j’avais le droit de détester TOUS les hommes (coucou patriarcat et misogynie systémique !)

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