Fascisme fossile, de Zetkin Collective

Résumé

L’élévation des températures et la montée de l’extrême droite forment deux menaces chaque jour plus pressantes. Or leur combinaison est explosive. Ce livre est une première tentative de penser ensemble les deux phénomènes. Qu’ont dit, écrit et fait les partis nationalistes en matière d’écologie et de climat durant les deux dernières décennies ? Devant l’abondance de preuves scientifiques, ils ont nié le réchauffement et se sont placés en défenseurs de l’industrie fossile. Dans son ensemble, l’extrême droite abhorre les éoliennes, s’oppose aux accords climatiques et nourrit de théories conspirationnistes sa détestation des mouvements écologistes. Même quand elle se revendique d’un « nationalisme vert », ses positions restent en toutes circonstances déterminées par la défense du territoire et son obsession de l’immigration. […]

Chronique

Je vais d’abord vous présenter le Zetkin Collective car ils ne sont pas connus du grand public. Le nom vient de Clara Zetkin, que vous connaissez peut-être déjà, qui était une marxiste allemande qui a étudié le mouvement fasciste dans les années 1920, entre autres (dans ma tête, c’était surtout une féministe qui a créé la journée des droits des femmes). Ce collectif suédois a cet objectif-là, mais pas que. Ils analysent donc bien le fascisme mais aussi et surtout le rapport de ce dernier à l’écologie, et cela va les mener au nationalisme (évidemment) et aux énergies fossiles. Allez, je vous embarque avec moi pour parler de ce livre déprimant (passionnant mais déprimant).

Le prologue annonce la couleur de ce qui nous attend (le but d’une introduction, me direz-vous). Mais même avec ça, on reste loin du développement de l’essai et en plus, si vous êtes naïf·ves comme moi, vous allez croire que vous avez déjà compris dès le commencement alors que vous êtes à l’ouest comme tout le monde.

Au début du livre, les auteurices nous détaillent le pouvoir idéologique et financier des partis d’extrême-droite européens. On pourrait croire que ces derniers s’en tiennent juste à un négationnisme climatique primaire mais ce n’est pas vrai et beaucoup plus complexe que ça. Une différence à comprendre entre le capital fossile primitif (on va largement parler de celui-là dans le reste du livre) et le capital fossile en général est à faire : le premier concerne ce qu’on appelle l’industrie des énergies fossiles (pas besoin de vous faire un dessin) et le deuxième est celui dont la production de marchandises dépend de ces dernières. Le capital fossile primitif est important à retenir comme nom car il permet de parler plus directement du secteur qui a des intérêts bien plus grands que les autres à nier le changement climatique. Et s’iels en parlent, c’est bien que le capital fossile primitif a quelques points communs, bien que pas identiques, à défendre avec le fascisme… On va le voir à plusieurs reprises.

Je vous rassure (ou pas) mais les obsessions envers les immigrés et les musulmans n’ont pas changé (n’est pas fasciste qui veut). Mais ils doivent au moins faire semblant de se préoccuper du changement climatique (le négationnisme climatique existe toujours mais se fait plus discret). Je disais dans le paragraphe précédent que le négationnisme climatique était un peu risqué, même s’ils ont l’avantage d’être considérés comme plus « honnêtes » ou cons que le capital fossile primitif, connu pour défendre des intérêts financiers et pas les fascistes. Les auteurices dévoilent la collusion entre le capital fossile primitif et le fascisme à travers divers exemples, dont cette citation qui en dit très long :

L’appareil idéologique [de la Norvège] n’y était pas traditionnellement climato-négationniste, mais il a mis toutes ses forces pour retarder les mesures nécessaires et poursuivre le plus longtemps possible la production d’énergies fossiles. Ceux qui reportent l’action climatique ne mènent pas seulement une politique conforme aux prescriptions des climato-négationnistes, ils forment ensemble les jumeaux du corps nationaliste. Pour les premiers, le pétrole et le gaz norvégiens sont les meilleurs carburants qu’on puisse trouver, gérés par l’État le plus vertueux dans un monde cruel; pour les seconds, la question climatique dans son ensemble est une offense envers les intérêts norvégiens.

C’est la première stratégie : considérer que les énergies fossiles, si elles sont sur notre territoire géographique, sont une partie de notre identité. Mais qu’en est-il si on n’est pas un pays producteur ? Des partis d’extrême-droite dans des pays comme… la France ont une autre manière de faire : ils prétendent qu’en défendant le protectionnisme, on réduit les émissions de gaz à effet de serre. Tout ceci est évidemment lié au racisme, on y viendra plus tard.

Dans les deux cas, le mythe d’une ancienne histoire glorieuse, d’un patrimoine à défendre, est convoqué (je ne pense pas que je vous apprends grand chose sur ce coup-là). Bon, on ne va pas en venir si tard que ça au racisme, il y a même un chapitre entier dessus. Ce qu’on appelle le techno-racisme est né lors de la colonisation : le développement des nouvelles technologies, souvent à base d’énergies fossiles, a dépendu fortement de l’exploitation des personnes racisées et de leur territoire (et qui serait une soi-disant preuve de la supériorité des personnes blanches). Et ce sont ces dernières qui subissent le plus les effets du changement climatique. Mais à ce propos :

C’est seulement parce que les premiers condamnés ne sont pas blancs, en plus d’être éloignés, que la combustion peut se poursuivre.

Joie, gaîté, bonheur, racisme. Laisser venir les immigrés, c’est moins de ressources pour les personnes blanches. Vous avez dit égoïsme, cruauté, insensibilité ?

Et ce n’est pas tout : le fait que les quartiers en ville ou en périphérie soit une façon pour certaines personnes blanches d’échapper aux personnes noires pour des raisons liées à la pauvreté et à la criminalité n’a échappé à personne, c’est encore le cas aujourd’hui, cette rupture. Mais qu’est-ce qui a permis ça au début ? La voiture, réservées aux personnes privilégiées, qui étaient seulement blanches à l’époque (je parle des années 1940). Avec quoi fonctionne une voiture ? Avec de l’énergie fossile : le pétrole (qu’il faut avoir les moyens de payer). Je vous laisse méditer là-dessus…

Ce chapitre qui parlait du lien entre race et carburant était très intéressant. Bien évidemment que l’exploitation de la nature a un lien avec l’oppression des femmes… Les auteurices en parlent pendant quelques pages mais il vaut mieux se pencher sur l’écoféminisme.

Iels vont aussi démontrer en quoi le fascisme a largement contribué à l’amour, l’esthétisation des machines (Ernst Jünger, snif snif, la littéraire en moi pleure), et donc, la modernité qui se trouverait à travers les énergies fossiles. Oui, on va aussi parler des nazis… Des fascistes italiens aussi (ça a véritablement commencé avec eux après tout) mais surtout des nazis et de leur rapport très proche à la technologie (qui devait leur faire gagner la guerre mais c’était pas suffisant). Ils ont clamé le respect de la nature et sa préservation nécessaire mais dès qu’il s’agissait de répondre aux impératifs de la guerre, il n’y avait plus personne. Puis ils kiffaient trop les apports des énergies fossiles pour tirer complètement une croix dessus.

L’essai aborde d’autres choses en lien avec les énergies fossiles : la vitesse, la violence (si vous êtes féministes comme moi, vous allez voir écrit en gros virilisme, masculinité, domination, et vous dire fuck you all), le fait que les énergies fossiles, de par leur statut fixe sur un territoire donné, correspondent beaucoup plus à l’idéologie du fascisme que les énergies renouvelables (ben oui, le soleil, le vent, ça appartient à tout le monde).

Je pense que vous avez maintenant compris ce qu’il en est réellement du fascisme et de l’écologie : ils ne peuvent pas reconnaître que les énergies fossiles sont nocives pour l’environnement car cela voudrait dire qu’il faudrait qu’ils reconnaissent qu’ils se sont trompés, qu’ils ne sont pas si supérieurs que ça. Du coup, ils s’attardent sur d’autres types de justifications (souvent racistes et xénophobes, l’argument du local n’est pas faux niveau écologie, mais infiltré par ce genre d’idéologies, alors méfiez-vous)

Ce livre est très fourni, impossible de faire une chronique comme j’en fais d’habitude qui retranscrive la complexité des propos (pas dans le sens où ce n’est pas accessible, hein, mais dans celui où votre cerveau ne va pas chômer) et la densité des exemples et démonstrations. Je suis très loin d’avoir relevé tous les raisonnements de ce livre dans cette chronique, on va dire que c’est un aperçu (bref, mais qui, je l’espère, vous en indique assez). C’est parfois dur à encaisser mais (ce sera probablement un de mes livres préférés de l’année) j’estime que c’est une lecture essentielle pour savoir à quelle sauce on va être mangé·es. Et si vous pensez que les partis écolos seront toujours à gauche à nous soutenir, vous risquez d’avoir des surprises…

Eco-anxiété ou facho-anxiété ? Les deux, mon capitaine.

2 réflexions sur “Fascisme fossile, de Zetkin Collective

    • Oui, même en étant consciente de certaines choses, j’étais loin du compte… Je vais essayer de me pencher sur ce sujet à l’avenir, c’est un grand danger qui nous guette.

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