La peur et la haine – enquête chez les survivalistes, de Mathieu Burgalassi

Résumé

« Et on s’est mis à hurler. A pleins poumons, sans aucune retenue. Des bruits d’animaux déchaînés et furieux. De l’autre côté, ils faisaient pareil, et tout tremblait sous les coups et les cris. Il n’y avait plus de civilisation ici. On était redevenus des singes, des putains de macaques. Quand la porte s’ouvrirait, on s’entretuerait jusqu’au dernier debout… »

Livre mutant, à la fois récit de voyage, essai politique et autobiographie, La Peur et la Haine est la chronique lucide et sans concessions de son obsession pour le survivalisme. Une enquête de quatre ans, insensée et furieuse, à la poursuite des peurs les plus enfouies de l’Occident moderne.

Chronique

Ce livre est un peu particulier. Si vous vous attendez à un essai explicatif sur le survivalisme, passez votre chemin. Non, le ton de l’auteur est accessible, comme s’il s’adressait directement à nous, sur un ton qui me parle en tant que jeune. Mais la grande particularité de ce récit, c’est que l’auteur raconte des éléments pertinents de sa vie pour analyser ce qui va suivre… et comment lui-même a donné du crédit au survivalisme.

Nous aussi, au premier abord, on se dit que ça n’a pas l’air si mal, le survivalisme. Je me souviens que quand je m’étais intéressée pour la première fois à l’écologie en 2018, je me disais qu’ils n’avaient pas tort ces gens-là. Être capable de se nourrir soi-même, être autonome en jardinage, en bricolage, apprendre à se battre, ça n’avait pas l’air dangereux du tout. Ça paraissait même être du bon sens. Mais c’est plus compliqué que ça en fait… Et ça va bien au-delà de l’écologie… Je dirais même que c’est une excuse pour autre chose.

Au début, le rapport avec le survivalisme paraît un peu flou. L’auteur nous raconte sa vie (on pourrait croire que c’est péjoratif dit comme ça, mais non, j’vous jure, restez), les déboires qu’il a vécu en tant que personne précaire et racisée. Le destin qu’on lui a tracé (en gros : pas de hautes études, le mec est anthropologue aujourd’hui), basé sur les critères mentionnés précédemment. Destin qu’il a refusé et combattu. Il a connu une première agression, choquante, qui l’a amené en dépression et à avoir peur de sortir.

Un jour, il a commencé le krav-maga, une méthode de combat assez violente (la preuve, les militaires de différents pays en usent, c’est pas pour faire joujou), pour pouvoir apprendre à se défendre. C’était aussi un moyen d’essayer de s’en sortir mentalement. Dans ce milieu-là, les gens sont sympas s’ils considèrent que tu fais des efforts et c’était son cas. Ceci dit, il a remarqué, avec un petit malaise (vite balayé par les réflexes patriarcaux), que certaines choses étaient un peu bizarres. Il a aussi commencé à s’intéresser sincèrement au survivalisme : il y croyait dur comme fer ! Et sa deuxième agression plus tard n’a rien arrangé.

En tant qu’étudiant en anthropologie, il s’est lancé dans un doctorat où il a d’abord étudié le survivalisme en France, puis aux États-Unis lors de sa dernière année (ce qui a permis de voir les choses avec plus de recul). Ce n’est pas facile car les personnes survivalistes sont très méfiantes, d’autant plus qu’elles veulent changer l’étiquette de violence qu’on a collé sur leurs fronts… Les faits sont malgré tout têtus. Et puis quand on cherche bien (ou pas d’ailleurs, le hasard fait bien les choses aussi), les langues se délient un peu…

En tout cas, les doutes de l’auteur se sont développés, ont augmenté en intensité. Il a vécu des choses vraiment pas drôles, la violence est au centre de beaucoup de choses… Une tendance à vouloir traiter les survivalistes de « fous » mais non, il n’y a rien à psychiatriser là-dedans, et rien pour être validiste non plus. Leurs raisons de l’être sont plus rationnelles, ce sont souvent des gens comme nous, ils ont juste peur et des gens malintentionnés ont accru leur haine. On pourrait tou·tes être embarqué·es là-dedans.

Le récit est fluide et c’est passionnant à lire. On découvre avec l’auteur ce qui se dévoile au fur et à mesure, on est à fond dans le livre et dans son histoire.

C’est intéressant d’avoir le point de vue d’une personne en bas de l’échelon social, comme moi. Il est dans une sorte d’ambiguïté au niveau racial, soit on le considère blanc (ce qu’il pense lui-même), soit on le pense racisé (pas avec des termes aussi polis : agressions, insultes et compagnie). Par contre, ce dont je suis certaine, c’est qu’il est un homme : beaucoup de choses qu’il fait, je n’aurais pas pu les faire en tant que femme (ou alors accompagnée d’au moins deux hommes pour que les autres ferment leurs gueules). Et inversement pour lui.

Ce récit n’a l’air de rien mais les sources qui sont avancées sont bel et bien présentes (pas en notes de bas de page ni en fin d’ouvrage, mais vous avez compris), on a foule d’informations. Qu’est-ce qui fait que l’on finit par s’intéresser au survivalisme ? De par son histoire personnelle, comme l’auteur nous le montre, mais pas que, et ce n’est souvent même pas le cas. Les politiques, les médias, ont joué leur rôle mortifère. Je n’ai pas forcément besoin de vous en dire plus, vous savez de quoi je parle : l’auteur en fait de toute façon la flagrante démonstration.

Obligée de critiquer un truc par contre : où est le sommaire ? Les titres des chapitres ? Au moins à quel page commence tel chapitre, je sais pas ! (oui, je râle car je regarde toujours ça)

Un livre fluide à lire, accessible, instructif et qui éveille notre empathie et notre réflexion. A mettre entre de nombreuses mains, dont les vôtres.

2 réflexions sur “La peur et la haine – enquête chez les survivalistes, de Mathieu Burgalassi

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