Résumé

L’écofascisme semble réductible à sa fonction d’insulte politique. Cet usage masque les appropriations concrètes des enjeux écologiques par les idéologies et les organisations fascistes. Si l’extrême-droite paraît à première vue hostile à toute politique environnementale, il existe bien un risque écofasciste s’adossant à une véritable conviction écologique ainsi qu’à de robustes bases idéologiques. Contrairement à sa conception politique courante, l’écologie n’est donc pas naturellement de gauche. Le discours écologique doit être clarifié pour échapper aux différentes formes de fascisation de l’écologie.
Chronique
Ce livre retrace les dangers des écofascismes qu’on a tendance à sous-estimer car pour le moment, l’extrême-droite est plutôt carbofasciste. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas y rester vigilant·e car son arrivée est une possibilité qui va peut-être augmenter avec le changement climatique.
Antoine Dubiau va montrer comment l’écologie n’est pas naturellement de gauche. Et comment une partie de la fachosphère a repris des idées de l’écologie à son compte, en les reformulant comme bon lui semble. En même temps, la gauche n’est pas très claire et tend pas mal de perches… ce qui permet à une partie de l’extrême-droite de s’engouffrer dans la brèche, et ce, depuis les années 1970 avec la Nouvelle Droite.
La première partie, « Politiques de l’écologie », résume en mieux ce que je viens de dire. Les deux suivantes sont intéressantes car elles explicitent bien les deux dynamiques qui se jouent : la fascisation de l’écologie et l’écologisation du fascisme.
La fascisation de l’écologie, si on suit un peu le sujet, on se doute à quoi ça peut être relié : la démographie qu’il faudrait diminuer, et on sait quelles populations sont visées car derrière ça se trouve une idée éminemment raciste qui ne déplaît pas du tout aux fachos, bien au contraire. Et sûrement pas qu’à eux…
Défendre la diminution de la population empêche de considérer sérieusement les autres dimensions de la crise en cours, car les fondements de celle-ci seraient indiscutablement démographiques : il faut obligatoirement valider le principe d’une diminution (voire d’une chute) démographique, avant que les autres questions puissent être abordées. Le cadrage populationniste fonctionne ainsi comme un puissant outil permettant de délégitimer toute approche non démographique du problème écologique.
La collapsologie est aussi une porte d’entrée à ce genre d’idées. Je n’en dirai pas plus car je ne tiens pas à subir une shitstorm. Et je ne prêterai pas mon exemplaire non plus, sinon il va partir en miettes. En vrai, je me suis déjà faite renvoyer chier, donc débrouillez-vous. Mais ce que montre l’auteur est réel et pertinent, notamment sur les problématiques sociales balayées par la collapsologie. Éradiquez vos liens nostalgiques ou encore bien présents avec ce mouvement. Il y en a d’autres qui sont aussi pointés du doigt dans le livre (coucou la décroissance) alors que leurs idées de base sont pas mal, mais encore une fois, il y a des choses pas très justifiées et assez obscures.
Il y a d’autres raisons évoquées mais je tiens à souligner l’argument du local. Si ce dernier a sa pertinence, il n’est pas toujours utilisé très intelligemment. Là aussi, le racisme peut ressortir – et on va ainsi passer à l’écologisation du fascisme.
Le fascisme, comme vous le savez, veut défendre l’appartenance nationale, voire européenne, selon certains cas (le plus important étant d’avoir la peau blanche et d’être un homme valide hétérosexuel cis de préférence). Pour cela, il construit des mythes pseudo-basés sur l’histoire. Seulement, l’écologie va sûrement prendre de l’ampleur dans les années qui viennent. Qu’à cela ne tienne, une partie du fascisme est compatible avec des idées écologistes, dont le fameux localisme (ou biorégionalisme aussi). Le fameux ancrage à la terre qui serait définitif et serait partie prenante de notre identité. L’auteur développe très bien ce sujet.
C’est donc par ce manque de clairvoyance de l’écologie de gauche que l’extrême-droite a pu s’inviter dans le domaine de l’écologie. Même si ça reste théorique avec les travaux de la Nouvelle Droite, au moins ils sont prêts pour le changement de cap si jamais (après, soyons honnêtes, ça ne se fera pas sans mal…).
Ma partie préférée vient après : « la nature de l’écofascisme ». Cette dernière aborde les choses de manière plus large mais c’était aussi plus intéressant à lire selon moi. Je ne dis pas que le reste ne l’était pas (on y apprend plein de choses), je dis que si on me demande, c’est celle-là, aha.
Dépasser la borne revient à entrer dans le domaine de l’interdit, de l’impératif et/ou de l’impossible : l’écofascisme apparaît comme une morale inspirée d’une conception fixiste de la nature, visant le verrouillage écologique des dominations sociales.
Dans la dernière partie, « Clarifier le discours écologique », l’auteur va donner des pistes de solutions. Le nom de la partie en dit déjà beaucoup, donc je vous laisse imaginer ce qu’il en est… En un mot : co-hé-rence.
La question que certain·e·s lecteurices se posent sûrement, c’est : ce livre est-il accessible ? En partie, oui. L’essai est fluide à lire, l’auteur ne prend pas de haut de par son ton. Mais je suis un peu embêtée quand même. Si la connaissance du sujet est un minimum obligatoire, ce qui est complètement normale, trois-quatre termes mériteraient d’être définis. Genre « stratégie gramsciste » ? Aujourd’hui, je sais, il y a 3 ans, j’aurais sorti le moteur de recherche.
Un livre qui me paraît nécessaire à l’heure actuelle. Déjà que le danger du fascisme est encore souvent sous-estimé, l’écofascisme encore plus (il y a sûrement des personnes qui ne voient pas ce que c’est). A lire pour se rendre compte de ce qui se trame à ce niveau-là.
Intéressant, tu as des neurones, ça fait plaisir.
Je suis comme les Sales majesté « ni de gauche, ni de droite » mais je crois l’avoir déjà écrit : si les constructeurs éoliens bousillent la forêt pour remplacer les arbres par leurs moulins à fric, je suis capable de tout faire sauter (je suis bretonne d’origine).
D’ailleurs, la politique devrait s’occuper de faire son boulot et n’être pas autorisée à voter quoi que ce soit quand il y a conflit d’intérêt.
L’environnement est avant tout citoyen et concerne les blancs, les noirs, les rouges, les riches, les pauvres….bref, tous les habitants de cette planète.
Réfléchir comme les Amérindiens aux conséquences de nos actes (ouais, ceux que les conquérants ont pris pour des sauvages).
Pis la religion, on peut en parler aussi étant donné le bordel et les guerres (pas écolos) dont elle est prétexte.
J’avoue être plus axée sur l’éco Psychologie, la bienveillance et la compagnie de mes chevaux.
Et sinon, c’est quoi le problème avec la collapsologie ?
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Le truc, c’est que c’est la collapsologie est une bonne porte d’entrée pour des trucs louches comme l’antroposophie ou des médecines alternatives dont l’efficacité n’est pas prouvée du tout. A côté de ça, elle est scientiste aussi, dans le sens où toute analyse des choses se fait par la science… La contradiction n’est jamais loin. Pour moi, ça a été une porte d’entrée sur l’écologie mais tout le monde n’est pas capable de prendre du recul au bout d’un moment avec la collapsologie, d’où le danger. En plus, elle ne prend pas en compte certains faits, comme l’écologie décoloniale, dans son analyse.
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Ton analyse est intéressante.
Par contre, la vie est pleine de contradiction 😉. Je suis scientifique et pourtant je sais qu’il est impossible de démontrer quoi que ce soit, surtout en médecine (traditionnelle ou alternative).
J’avais surtout le sentiment que la collapsologie était égoïste, mais j’avoue n’avoir que survoler le sujet.
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Tu pensais que c’est égoïste à quel sujet ? (je le pense mais je veux connaître ton avis)
En fait, je suis assez contradictoire moi-même 😀 donc je comprends tout à fait, mais je pense qu’il faut aussi un minimum de cohérence dans ses valeurs et dans ce qu’on véhicule. (ça reste au niveau humain, c’est un peu en rapport avec la philosophie ce que je dis)
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