Bilan lectures #66 – janvier 2023

Ce mois-ci a été pourri niveau santé. En plus de ça, j’ai enchaîné Pokemon Violet avec Pokemon Bouclier, alors je vous laisse imaginer que j’ai peu lu. Mais j’ai eu mon premier coup de coeur de l’année, qui est encore assez fort dans mon coeur pour apaiser ma fureur lors de ma dernière lecture.

Donc un bilan moyen mais pas insatisfaisant non plus !

Je suis une fille sans histoire (Alice Zeniter)

Cet essai, j’en avais entendu parler en bien sans être sûre de vouloir l’acheter. Je l’ai lu en epub et c’est un très bon livre, figurez-vous (moi qui pensais que sa réputation était mauvais signe /tousse/). Par contre, je remets les pendules à l’heure sur un point : non, ce livre n’est pas féministe. Ou en tout cas, pas seulement, il est plus que ça. Disons que le fait que ça se soit attardé sur ce point seulement me dérange. Bref, vous allez comprendre pourquoi avec la suite. Dans cet essai, l’autrice parle du récit, de la façon dont on le construit, de ce qui fait rêver les gens. Mais pas que : la manière dont le récit est manié pour combler d’autres objectifs (politiques par exemple) au lieu de s’en tenir qu’au littéraire (qui n’est d’ailleurs pas aussi neutre qu’on veut nous le faire croire). Et là où la déclaration que c’est un livre féministe me dérange, c’est que l’autrice ne parle pas que de ça. Quand Alice Zeniter explique pourquoi il est important de laisser une parole (et une parole plus importante) à quelqu’un d’autre qu’à un homme cis hétéro blanc, elle ne parle pas que des femmes. Elle parle aussi d’autres minorités, les personnes racisées et LGBT+ notamment. S’en tenir qu’au féminisme me paraît donc faux en ce sens. En tout cas, c’était très intéressant de lire ce livre, j’y ai appris des choses et ça m’a fait réfléchir. Il est fluide et comporte une façon de dire les choses sérieusement mais sans prise de tête, avec une touche d’humour. Si vous avez l’occasion de le lire, n’hésitez pas !

Coming In (Elodie Font et Carole Maurel)

Cette BD m’a un peu émue. C’est l’histoire autobiographique de l’autrice, Élodie Font, qui est lesbienne, mais a mis un temps fou à le reconnaître. D’autres personnes l’ont réalisé avant elle, c’est dire… C’est pour ça que la BD s’appelle « Coming In » et pas « Coming Out », il fallait déjà qu’elle se l’avoue à elle-même, sortir du carcan hétérosexuel dans lequel on veut enfermer tout le monde, avec les conséquences que l’on sait quand la vérité est dévoilée. Et même quand elle sort la première fois avec une fille, il y a encore un soupçon de déni ! L’utilisation des couleurs n’est pas révolutionnaire mais est très sympathique et logique avec le reste de l’histoire. Quand l’autrice s’entête à vouloir entrer dans le moule hétérosexuel, les couleurs sont plus fades, parfois tristes (elle vit d’ailleurs des réactions qui auraient dû lui mettre plus la puce à l’oreille mais que voulez-vous, l’injonction à l’hétérosexualité est forte). Quand elle affirme enfin son homosexualité, les couleurs sont plus vives, ça donne aussi lieu à des planches très belles quand ses émotions explosent de bonheur. Une BD très agréable à lire.

L’empire du malheur (Jonathan Sadowsky)

Mon premier coup de coeur de l’année, dont je vous parlerai en chronique le mois prochain, donc je n’en dis pas plus. L’auteur nous parle de l’histoire de la dépression avec recul et nuance, j’ai appris des choses et d’autres m’ont surprise. Une lecture fort instructive et passionnante !

T’zée (Appollo et Brüno)

Une BD dont le contexte serait n’importe quel pays africain corrompu. Oui, il est imaginaire mais tellement ressemblant à certains qu’on connaît… Des pays sont nommés comme certains pays occidentaux ou le Maroc d’ailleurs, ce qui confère à l’environnement politique une certaine réalité. T’zée est un dictateur qui va être déchu. On suit son dernier fils, Hippolyte, ainsi que la femme actuelle du dictateur, Bobbi (25 ans de moins que lui, bref, on connaît). Cette dernière nous dévoile son amour pour Hippolyte, et le révèlera à lui par la suite (il y a un truc que je voudrais dire sur elle mais je ne peux pas sans spoiler). Ce n’est pas du tout une histoire d’amour comme vous l’imaginez, ça ne prend absolument pas toute la place dans le récit (ce dont j’avais peur en lisant la quatrième de couverture). On se focalise plutôt sur les effets qu’a la révolution (sanglante) sur nos deux protagonistes pourris gâtés, et pas qu’eux, deux amis d’Hippolyte seront également assez présents. On voit la fin de ce pouvoir corrompu et dictatorial s’annoncer sans voir ce qui va advenir après. On voit le fils aux prises entre les valeurs de liberté et de démocratie acquises en Europe et son amour pour son père, il essaie de lui chercher des excuses à un moment. Difficile pour lui… Les dessins font beaucoup pensé à l’Afrique (dans ses clichés au niveau des couleurs ? Je ne peux pas juger). Une BD que je n’ai pas trouvé transcendante mais assez intéressante pour que ça ait valu le coup de la lire.

Le monde sans fin – miracle énergétique et dérive climatique (Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain)

Vous avez sûrement entendu parler de cette BD, elle a eu un succès phénoménal. Pas besoin de vous faire un dessin non plus avec le sous-titre, vous savez de quoi ça parle. En tout cas, c’est pas moi qui vais participer à son succès ! Je vais quand même d’abord vous parler des points positifs car il y en a : c’est très bien vulgarisé avec des illustrations qui parlent aux personnes de la vie quotidienne, du coup ça permet de mieux se projeter, de mieux réaliser l’impact de nos actions qui paraissent pourtant anodines. Il reconnaît aussi certaines choses, même si ses solutions à la fin de la BD restent majoritairement individuelles. Ses explications par rapport au fonctionnement de l’énergie et des conséquences sur le climat sont vraiment top. Mais je ne peux pas me focaliser juste là-dessus en voyant les points dérangeants. On n’est plus en 2010, là, ça ne passe plus ! Bref, sans parler d’arguments que je trouve nazes tout de suite, Jancovici se pose dans cette BD en grand maître qui sait tout. Cette personnification de ses explications m’a particulièrement tendue, d’autant plus qu’à la fin de l’ouvrage, il n’y a pas de sources ! Il mentionne vite fait le GIEC, l’OMS, l’UNSCEAR et quelques autres organisations (de l’ONU surtout). Bref, je trouve ça très arrogant. Avant qu’on me dise que ce n’est qu’une BD, qu’il n’y a jamais les sources, si, il y en a toujours pour ce genre de BDs ! C’est même la première fois que je n’en vois pas du tout. On rétorquera qu’il y en a beaucoup qui ne vérifient pas, et c’est vrai, mais même sans vérifier, on aime parfois bien voir sur quelles sources les propos se basent, et il y a bien des personnes qui vérifient, si ! Et puis je ne vois pas en quoi ce genre d’argumentation ne mériterait pas ses sources parce que c’est une BD et pas un essai. Passons à la suite parce que j’en ai gros sur la patate (j’avais dit que j’étais pas contente). Ensuite, alors qu’il parle du système énergétique… Il n’explique jamais vraiment pourquoi on en est arrivé là ! Genre c’était logique, le progrès humain tout ça… Imaginez que j’avais envie de secouer l’auteur en mode « TU VAS LE SORTIR LE MOT ‘CAPITALISME’, OUI OU MERDE ?!? » (merde, qu’il a fait). Mais du coup, il aurait dû parler de combat collectif, de militantisme, oulala… Déjà qu’il se moque sur une demi-page des écolos qui seraient d’accord avec lui mais ne peuvent pas l’avouer publiquement… Ohé, les chevilles, là ! En plus, il sous-entend qu’aucun progrès social ne peut se faire sans confort, et donc sans énergie… Inspire, expire. Ça m’arrive d’être d’accord avec lui : je suis tout à fait d’accord que les énergies dîtes « renouvelables » ne sont pas une solution, qu’elles consomment beaucoup d’énergie et que la fabrication des panneaux solaires et des éoliens n’est pas renouvelable, elle… Mais parlons aussi de ce que le nucléaire fait ! (et oui, il fallait bien que ce moment arrive) Les mines pour extraire l’uranium, ce n’est pas anodin du tout. Et c’est moi là ou il minimise (et le dessinateur avec, vu que c’est un dialogue entre eux) le nombre officiel de victimes de Tchernobyl de l’UNSCEAR ? « Que » 6000 victimes ? Mais ça va pas ? C’est énorme ! En plus, aucune estimation n’est certaine, il oublie de le dire, ça, et prend ce qui l’arrange (« que » 6000 victimes… Il ne le dit pas directement comme ça mais le sous-entendu est là, ça me donne envie de pleurer). Ça peut aller jusqu’à une centaine de milliers de victimes (ça ne me convainc pas non plus) et il est très difficile d’en faire une estimation, elle sera toujours critiquée. Il y a aussi l’aspect social du nucléaire mais je vous renvoie vers cette chronique, je suis déjà en train d’écrire un pavé. Je vais aussi utiliser un argument que lui-même a utilisé, donc j’invente rien. Pour une sécurité optimale, il faut de l’énergie… et donc de l’énergie fossile ! On en aura de moins en moins à l’avenir, donc le nucléaire sera de moins en moins bien utilisable en toute sécurité, alors que ça peut être dangereux. Voili voilou. Même s’il a tenté de tempérer par la suite, il utilise aussi l’argument de la démographie de façon parfois dégueulasse, genre qu’il nous faudrait une nouvelle épidémie de Covid19… (sans oublier la petite case paternaliste avec les pays pauvres) Désolée mais la démographie n’est pas tant un problème que le mode de vie occidental ! Qu’il ne remet pas tant en question que ça, à part dire qu’il faut diminuer sa consommation. Et puis le fait qu’il vante le nucléaire, avec certaines de ses solutions basées dessus, ça fait pas très décroissance tout ça. On m’a aussi soufflé dans l’oreillette que le polytechnicien Sébastien Bohler, qu’il convoque pour parler du cerveau (le seul qu’il fait intervenir d’ailleurs) est plus que décrié, y en a même qui disent que c’est une imposture… Ça en fout un coup à la crédibilité scientifique de Jancovici, ça. Je ne vous en veux pas si vous avez marché dans le piège de ce type (Bohler), ça a failli m’arriver en 2019 pour un autre ouvrage et d’autres gens. Cette BD m’a saoulée et je remercie la personne qui me l’a prêté, ça m’aura évité de débourser 27€. Elle est pas du tout mobilisatrice : d’autant plus que durant les 100 premières pages, je ne voyais pas où l’auteur voulait en venir, je la trouvais aussi désespérante que l’essai Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. Bref, y a mieux aujourd’hui comme ouvrage, même de manière accessible.


Bon, j’espère que j’aurais plus de lectures au mois de février, même si le mois est plus court. Je joue encore à Pokemon Bouclier mais le scénario principal est terminé, donc je suis positive.

Un autre coup de coeur ? Je ne pense pas mais si je pouvais éviter d’avoir une lecture comme celle de la BD de Jancovici…

A février !

7 réflexions sur “Bilan lectures #66 – janvier 2023

    • « L’empire du malheur », une chronique va arriver dans quelques jours, donc t’auras un aperçu plus détaillé. Et il me semble en avoir parlé sur Twitter (vite fait sur Mastodon), et beaucoup sur Instagram (mais comme t’y es pas…).
      « Le monde sans fin », je voulais en avoir le coeur net, maintenant c’est fait !

      J’aime

  1. Je n’avais pas entendu parler de « Je suis une fille sans histoire », ton avis me donne envie de le lire et ô joie, il est dispo à la bibliothèque 🙂

    Ce sera mon premier livre d’Alice Zeniter, que j’ai à la fois envie/pas envie de lire en raison de sa grande popularité. C’est idiot mais à trop entendre parler de quelqu’un/quelque chose, j’en perds ma curiosité de le découvrir…

    Bonnes lectures en février (et plein de Pokémons rares aussi)!

    Aimé par 1 personne

    • Je comprends tout à fait, perso j’ai lu que celui-là et « L’art de perdre », je reste prudente sur les autres. J’allais te dire de lire ce que t’as envie de lire d’elle mais on dirait que tu le fais déjà 😁

      Héhéhé, oui, merciii ✌

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