Deux livres sur la violence militante

J’ai lu deux livres sur l’improductivité du pacifisme seul érigé en seule méthode qui fonctionnerait (alors que…).

Comment la non-violence protège l’État, de Peter Gelderloos

Le premier est écrit par un philosophe et militant libertaire. Il est accessible sur le fond mais moins sur la forme ! Pas qu’il soit difficile à lire mais le ton n’est pas toujours très sympathique, on sent la rancœur du militant envers les pacifistes purs et durs.

Vu ce qu’il dit, ce qu’il démontre, on peut comprendre la frustration. On y trouve un avant-propos de Nicolas Casaux (c’était clairement pas obligé, ça) et une préface très intéressante de Francis Dupuis-Déri (un super mec, celui-là).

Ensuite, on a le développement de l’auteur qui explique les grosses faiblesses du pacifisme qui serait la seule et unique solution, la plus acceptable. Ben écoutez… Allez dire aux personnes racisées, aux femmes et autres minorités de tendre la joue éternellement, on va bien rigoler. Le manque de respect, les violences physiques, aucun problème pour certain·e·s à les tempérer vu qu’iels ne les vivent pas.

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Écologie : la perte de temps n’est plus permise

Cet article sonnera un peu « donneur de leçons » à certain·e·s mais il faut être honnête et réaliste. Je me suis intéressée au sujet de l’écologie en 2018 à travers deux livres sur la décroissance qui étaient très bien, là n’est pas le problème. Le problème, c’est le reste : ce qu’on nous conseille (très fortement) de lire. Franchement, comme j’étais perdue au début, je pense m’être laissée avoir (et je ne suis probablement pas la seule).

Lire Pierre Rabhi (ok, ça, je n’ai jamais fait à part à travers des articles), des collapsos ou d’autres livres sur l’écologie individuelle (qui ne remettent pas en question le système politique), tout est inoffensif et quelque part, culpabilisant envers l’individu. Il faut quand même rappeler que le consommateur/citoyen est responsable entre 25% et 30% de ce qui arrive (je donne une fourchette car c’est différent selon les sources).

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Tout le monde peut être féministe, de bell hooks – les livres féministes #31

Oui, ça fait neuf ans et demi que je suis féministe et je n’avais jamais lu bell hooks, lancez-moi des tomates. J’ai entamé ma découverte de l’autrice avec un livre qui me paraît, avec d’autres, faire partie de bonnes entrées au féminisme. C’était d’ailleurs le but avoué de l’autrice et c’est réussi.

Les chapitres parlent d’un sujet différent à chaque fois : le combat politique qu’est le féminisme, la sororité, le travail, la race et le genre, la violence patriarcale, les droits reproductifs, le mariage, etc.

Pour un livre sorti en 2000, la majorité du contenu de son livre est très actuelle, ce qui est assez triste en réalité, ça montre qu’énormément de choses n’ont pas changé en une vingtaine d’années. Que ce soit à cause des hommes (elle est assez sympa avec eux, on en reparlera) ou aussi à cause des femmes. Nous avons intériorisé le sexisme, le patriarcat et ce n’est pas parce que nous sommes des femmes et que nous vivons une oppression que nous sommes conscientes de tout et que nous ne pouvons pas la reproduire (y a pas mal de preuves de l’inverse).

Il faut aussi apprendre à déconstruire, surtout en tant que femme blanche, les rapports de race et de classe (et pas que mais je me contente de ce qu’elle dit ici) car ces derniers sont des entraves à la libération de toutes les femmes. Non, en parler ne détourne pas l’attention de vos chères valeurs de genre, c’est bon. Oui, c’est encore parfois un argument qu’on entend encore. (quand ce sont pas celles-là, ce sont les questions de classe dont les hommes blancs viennent nous rabattre les oreilles avec)

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Scum Manifesto, de Valerie Solanas – les livres féministes #28

Je pense que les féministes en ont tou·te·s entendu plus ou moins parler : ce manifeste, sorti en 1968, est connu de par sa misandrie assumée et d’un projet qui va même au-delà de ça : renverser le patriarcat, quitte à tuer des hommes.

Valerie Solanas est passée pour une « folle » à l’époque, et beaucoup d’hommes, de femmes (et même de féministes !) ont fait en sorte que ça soit le cas. La postface de Lauren Bastide en parle bien. Seulement, comme cette dernière, je ne pense pas qu’il y ait matière à rire de ce livre ou à s’en moquer. Cette souffrance que j’ai entrevu dans les lignes de son manifeste, à travers la colère et la grossièreté, ce n’est pas drôle. Et je pense qu’il n’y a qu’une femme pour comprendre, même si elle désapprouve sa stratégie. Oui, désolée les alliés cis mecs, je pense que ça va être très difficile pour vous de prendre du recul sur ses propos, et pour les autres hommes, n’en parlons même pas. Ils sortiraient le briquet pour faire un feu de camp avec.

Les quatre premières pages m’ont un peu déplu mais la suite a été géniale. Je rejette tout le regard essentialiste qu’elle pose sur les hommes (et même les femmes, en renversant le paradigme négatif à notre encontre) mais si on analyse ses propos en remplaçant ce caractère fataliste par ce qu’on connaît de la construction sociale genrée, bah… Elle a raison en fait.

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Celui qui pourrait changer le monde, d’Aaron Swartz

Pour que je vous parle d’un livre avec un titre pareil, c’est que je l’ai adoré. Oui, il vaut mieux oublier cette proclamation prétentieuse et se contenter du contenu.

Aaron Swartz est connu, mais surtout dans un certain milieu : celui des ordinateurs, de la programmation, d’Internet. Il a participé à la création du flux RSS et des licences Creative Commons. Il est aussi un des cofondateurs du site Reddit (quand celui-ci est racheté par Condé Nast, il finit par quitter l’affaire en raison d’incompatibilité dans leurs visions).

Et en fait, on m’en avait surtout parlé pour ça, par des mecs un peu geek. Mais ce n’est pas tout le concernant.

Bon, il a aussi commencé tout ça à l’âge de 13 ans. Un petit génie, quoi (on dit qu’il était difficile à vivre mais parlons des gens « normaux » s’il-vous-plaît).

Il a beaucoup participé à la mobilisation contre la loi SOPA (Stop Online Piracy Act). D’ores et déjà, je pense que vous avez compris que c’était un activiste. Plus exactement, il l’a été concernant la culture libre, l’accès à l’information qui est un moyen pour lui d’émanciper, de développer une vraie démocratie et une justice digne de ce nom.

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Les raisins de la colère, de John Steinbeck

Quatrième de couverture

« Le soleil se leva derrière eux, et alors… brusquement, ils découvrirent à leurs pieds l’immense vallée. Al freina violemment et s’arrêta en plein milieu de la route. – Nom de Dieu ! Regardez ! s’écria-t-il. Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d’arbres fruitiers et les fermes. Et Pa dit : – Dieu tout-puissant !… J’aurais jamais cru que ça pouvait exister, un pays aussi beau ! »

Critique

Oui, le résumé de la quatrième de couverture de l’édition Folio est une citation du roman, comme pour beaucoup de classiques. Celle-ci retranscrit bien l’émerveillement de la famille Joad quand ils arrivent en Californie… avant la désillusion.

Bon, on va quand même partir du début, parce que là, ça vous dit juste qu’une famille américaine se rend en Californie… Mais pourquoi, en fait ?

La famille Joad, en Oklahoma, est composée de deux grands-parents, des parents, et d’une tripotée d’enfants (Tom, Noah, Al, Rose, Ruthie et Winfield). Il y a aussi l’oncle John, dévoré par la culpabilité et la honte de n’avoir pas pu sauver sa femme alors qu’elle était enceinte, de ne pas avoir pris ses douleurs au sérieux. L’histoire commence avec Tom Joad, un des fils de la famille Joad, qui sort de prison pour meurtre involontaire. Sur son chemin du retour, il va croiser Casy, un ancien pasteur (ses réflexions seront intéressantes par la suite quand on y réfléchira). Tous les deux décident de faire le chemin ensemble jusqu’à la ferme des Joad. Problème : quand ils arrivent, la maison est vide…

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Backlash, de Susan Faludi – les livres féministes #22

Ce livre est très connu, au moins de nom, dans la sphère féministe. Il a été publié en 1991, donc il peut paraître daté. Mais ce n’est pas tout à fait le cas. Malheureusement pour les femmes, si, en effet, les stratégies décrites ont eu des conséquences qui peuvent sembler extrêmes par rapport à aujourd’hui, j’ai eu parfois malheureusement l’impression qu’on nous tendait un miroir.

Susan Faludi est une féministe américaine, c’est donc aux Etats-Unis que ses recherches et sa démonstration ont lieu. Inutile donc de faire un parallèle avec la France, même s’il y a des similarités, d’où mon impression que peu de choses ont réellement changé.

Tout d’abord, il faut le dire : ce livre est extrêmement fourni. Plus d’une centaine de pages de sources. Difficile de trouver des faits qui remettent en question les siens, elle parle de quelques-uns et je ne doute pas qu’elle en a plein d’autres à nous soumettre si on le désire (ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas avec l’anecdote d’une femme à qui vous avez dû payer le resto que vous allez prouver quoi que ce soit). Les chiffres qu’elle donne sont implacables, elle ne donne pas n’importe quelle source de n’importe quel média. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas nos alliés, comme elle le montrera… On en reparlera.

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L’atlas des femmes, de Joni Seager – les livres féministes #21

atlas-des-femmes-coverCe livre n’a l’air de rien mais il a été très intéressant à lire ! Ce n’est pas de la théorie à lire ou autre, plus des graphiques et des statistiques, donc cet article sera un peu plus court que les autres. Mais il vaut le coup que je vous en parle, avec quelques petites remarques.

L’atlas des femmes compilent des statistiques sous forme de graphiques ou de diverses illustrations. Mais ça ne vous ai pas balancé au hasard, tout est très bien structuré en catégories, que voici :

  • les femmes dans le monde (inégalités homme-femme, espérance de vie, droits des lesbiennes…)
  • maintenir les femmes à leur place (crimes « d’honneur », violences domestiques, féminicides, chantages à la dot…)
  • reproduction (contraception, mortalité maternelle, IVG…)
  • politiques du corps (sport, beauté, excision, traite sexuelle…)
  • santé (cancer du sein, VIH, toilettes…)
  • travail (inégalités de rémunération, chômage, travail des enfants, accès à l’eau…)
  • éducation et connectivité (niveaux d’étude, alphabétisme, Internet et réseaux sociaux…)
  • propriété et pouvoir (propriété foncière, extrême pauvreté, inégalités de richesse, comptes bancaires…)
  • pouvoir (droit de vote, femmes politiques, forces armées…)

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Le capitalisme patriarcal, de Silvia Federici – les livres féministes #20

capitalisme-patriarcal-coverJe pense qu’avec le titre, vous avez compris ? Je vais juste rajouter quelques mots : l’autrice nous montre comment le capitalisme a utilisé les logiques patriarcales pour son propre bénéfice et les a renforcées.

Combien coûterait de rémunérer le travail domestique et social ? Il n’y a pas de réponse chiffrée à cette question (le montant serait trop énorme) mais l’autrice nous en donne une idée dans son essai. Elle nous indique surtout pourquoi il n’est pas rémunéré. Et quels bénéfices cela sert. Ce n’est jamais vraiment dit explicitement dans une phrase « voilà pourquoi… » mais vu ce qui est raconté dans son livre, je pense qu’elle peut nous faire confiance pour en tirer les bonnes conclusions.

J’avoue avoir été surprise par l’accessibilité de ses propos qui se trouve être assez limité (je m’attendais à mieux). Disons que je ne conseillerais clairement pas ce livre pour commencer. Il y a des parties où vous vous sentirez perdues, même s’il y en a d’autres qui seront douloureusement limpides. Le livre n’est pas bien épais mais j’ai passé du temps sur les deux premières parties, avant que ça coule tout seul.

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Martin Eden, de Jack London

martin-eden-coverQuatrième de couverture

Martin Eden, le chef-d’oeuvre de Jack London, passe pour son autobiographie romancée. Il s’en est défendu. Pourtant, entre l’auteur et le héros, il y a plus d’une ressemblance : Martin Eden, bourlingueur et bagarreur issu des bas-fonds, troque l’aventure pour la littérature, par amour et par génie. Mais sa chute sera à la mesure de son ascension vers le succès : vertigineuse et tragique…

Critique

Lu dans le cadre du challenge 12 mois, 12 amis, 12 livres.

Vous êtes face à ce qui est mon coup de cœur ultime de l’année. Il fait partie de mes romans préférés de tous les temps tellement je l’ai trouvé excellent. Je vais donc vous présenter un sacré bouquin.

Martin Eden est de la basse condition sociale : il fait des travaux n’importe où mais travaille surtout en mer sur des bateaux (il est marin avant tout), aime la bagarre et l’alcool, vit dans une certaine pauvreté tout en s’en sortant un minimum. Seulement, un jour, il sauve un certain Arthur Morse d’une rixe et se retrouve invité chez sa famille et lui en remerciement… Arthur est d’une classe sociale supérieure, et cela se voit quand Martin s’y rend : tout est beau, précieux et fragile. Il s’y sent mal à l’aise, lui qui est d’une corpulence imposante et n’a pas de gestuelle gracile. Il a peur de casser des choses… Il va finalement se rabattre sur des livres en attendant ses hôtes dans le salon et est subjugué par sa lecture. Un déclic a lieu.

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