Solidarité animale, d’Axelle Playoust-Braure et Yves Bonnardel

Malgré la visibilité croissante de la « question animale », la confusion règne parmi ses divers commentateurs. Les termes dans lesquels le débat est posé, y compris dans les milieux progressistes, empêchent d’en comprendre les enjeux véritables. C’est en particulier le cas pour la notion de « spécisme », qui désigne une discrimination fondée sur le critère de l’espèce, et postule la supériorité des humains sur les autres animaux.

Cette hiérarchisation des individus selon leur espèce a pourtant des effets très concrets : aujourd’hui, ce sont plus de 1 000 milliards d’animaux qui sont exploités et tués chaque année pour leur chair, parmi lesquels une vaste majorité d’animaux aquatiques.

Comment est-il possible de continuer à justifier toutes ces souffrances et morts d’êtres pourvus de sensibilité ? Cet ouvrage, en dévoilant l’impasse théorique, éthique et politique dans laquelle nous enferme la société spéciste, clarifie les réflexions développées par le mouvement antispéciste en France. Proposant une synthèse claire et accessible, Axelle Playoust-Braure et Yves Bonnardel montrent en quoi le spécisme est une question sociale fondamentale et plaident en faveur d’un changement de civilisation proprement révolutionnaire.

J’ai obtenu ce livre il y a des années grâce à un compte Instagram, il était temps que je m’y mette.

Tout d’abord, il faut expliquer ce qu’est le spécisme (et aussi l’antispécisme) et ce n’est pas toujours évident car il y a parfois une confusion à ce niveau.

La présence de vie n’implique pas l’existence d’une vie intérieure. En amalgamant les choses vivantes et les êtres sentients, la notion de « vivant » constitue un critère catastrophique au niveau éthique. Elle noie les êtres sentients au sein des plantes et des bactéries – les humains, eux, ne perdant bien sûr pas leur statut d’êtres extraordinaires émergeant de cette masse indistincte.

Ensuite, les auteurices parlent des chiffres, des faits de l’industrie de la viande. Iels se focalisent sur cette exploitation animale car c’est celle qui cause le plus de problèmes, mais la première raison, c’est surtout pour une question de lisibilité. Si vous voulez des statistiques sur l’exploitation animale en général, ce livre n’est pas fait pour ça, comme le laisse entendre le résumé. Mais le reste du propos des auteurices s’applique à toute forme d’exploitation animale.

A titre personnelle, je connaissais déjà tout ça, ça sert de rappel mais j’imagine que ça peut avoir un effet redondant pour certain·es. C’est pas ce chapitre qui m’a convaincue du coup de coeur. Par contre, encore un texte qu’on ferait bien lire à tous les carnistes convaincus ! (et y en a un paquet)

Non, les propos intéressants, ça vient après, avec cette fameuse suprématie humaine. J’avais vu je ne sais plus qui dire que l’oppression de la nature, des personnes non-humaines, découlent des oppressions entre humains, mais non, c’est l’inverse. Les oppressions humaines découlent du spécisme.

Et la viande est un gros symbole de cette suprématie humaine. Ne plus en manger, devenir végé/vegan, si c’est pris aussi mal, ce n’est pas simplement que parce que ça met les gens face à leurs contradictions : c’est aussi parce que c’est une trahison envers l’idée de suprématie humaine, et donc de l’espèce humaine. C’est sûrement pas conscientisé ainsi par les carnistes qu’on connaît, iels sont pas les produits les plus frais du frigo.

Lorsque le sujet est abordé, beaucoup sortent les griffes pour ne pas avoir à modifier leurs pratiques. A tel point que plusieurs auteurs et autrices envisagent que les humains ne tuent pas les autres animaux simplement pour pouvoir les manger, mais qu’ils les mangent pour pouvoir les tuer, pour continuer à les mépriser et à s’en distinguer.

Et le dogme humaniste fait des dégâts pour les animaux non-humains. Car certaines personnes humaines minorisées ont le risque de se voir animalisés, et donc traitées comme des moins que rien. Et souvent, on entend dire « On n’est pas du bétail ! » ou autre phrase du même style. Ce qu’on peut effectivement comprendre, car cette animalisation est atroce pour ces personnes, qui réclament le droit à la dignité comme un homme cis blanc hétéro. Mais ce genre de répliques sous-entend aussi quelque chose : que les animaux non-humains peuvent être traités n’importe comment, aucun problème.

Je pensais naïvement qu’il fallait juste élargir nos valeurs humanistes aux animaux non-humains mais c’est plus compliqué que ça en fait…

Et notre façon d’être est traversé par cette idéologie, par le spécisme :

Le développement de l’asservissement des non-humains a contribué à façonner nos structures et notre rapport au monde.

Il y aurait tant à dire sur le sujet…

Cette partie est la plus intéressante, donc je vais éviter d’en dire trop pour que vous achetiez le livre. (je tease – embauchez-moi pour la promo de vos livres, les maisons d’édition, j’ai besoin d’une situation)

Bien évidemment, les auteurices font part à la fin de l’ouvrage de solutions. Il s’agit de ne pas juste ne plus manger d’animaux dans son coin (/tousse tousse/) mais d’agir collectivement. Et aussi de faire gaffe à la façon de s’exprimer (insulter les gens de con·nes est tentant mais c’est non, ou même juste être un peu virulent).

Bref, sur ces questions, ce livre est essentiel. Je ne pense pas avoir lu de livres aussi intéressants et enthousiasmants que celui-ci sur ce sujet (oui, même Peter Singer). Un coup de coeur absolument pas démérité.

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