Dans la forêt, de Jean Hegland

dans-la-forêt-coverQuatrième de couverture

Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses. Considéré comme un véritable choc littéraire aux États-Unis, ce roman sensuel et puissant met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.

Critique

Ceci n’est pas un roman post-apocalyptique à proprement parler ! Je préfère prévenir, surtout si vous êtes un habitué du genre et que vous vous attendez plus ou moins à une certaine façon de mener la barque. Oubliez ça, ce n’est sûrement pas ce que vous vous imaginez.

Vous l’avez compris, ça ne va pas être drôle. Ça va aussi, si ce n’est pas déjà fait, vous interroger sur notre monde actuel. Après tout, Nell et Eva sont deux jeunes filles qui en font partie, bien qu’elles aient déjà une situation bien particulière. Elles vivent en pleine campagne avec leurs parents et ont été scolarisées à domicile, leur maison étant située à côté d’une forêt. Ce n’est déjà pas banal comme vie.

Celles-ci ont déjà une mentalité à part, mais qui reste très proche de n’importe quel citoyen d’un monde capitaliste. Elles sont donc habituées (et nous encore plus) à un certain confort, l’essence et l’électricité étant premiers du classement.

Petit à petit, le monde qu’elle connaisse s’effondre : les denrées se font rares, l’essence n’est plus disponible et l’électricité a été coupée. Que se passe-t-il donc ? Les raisons restent assez floues, certaines rumeurs sont abordées, mais elles sont ce qu’elles sont : des rumeurs. Il est bien évident que le monde tel que nous le connaissons court à sa perte… à cause de nous, très sûrement. Est-ce un manque de ressources ? Très probablement. Les pays seraient-ils rentrés en guerre ? C’est bien possible aussi. Difficile de le savoir à coup sûr. Nous assistons tout doucement à l’effondrement d’une civilisation : la nôtre. Très réaliste, étant donné les circonstances. (plus qu’une invasion d’extraterrestres en tout cas)

Est-ce vraiment le plus important de le savoir ? Disons que Jean Hegland ne va pas nous servir un essai en mode collapsologie, « on va tous mourir ». Au regard de la fin, il y a même un côté assez positif, loin du fatalisme qu’on pourrait s’imaginer face à un tel contexte. Mais tout de même, ce roman fait tristement écho à nos inquiétudes actuelles. Là encore, comme je l’ai dit, nous ne verrons pas que les deux sœurs survivre : nous les verrons évoluer.

Peu à peu, le drame va les toucher, et même leurs passions, pour l’une la danse, pour l’autre la lecture et les études, vont se trouver sur le chemin en tant que dommages collatéraux. Leurs relations sociales avec les autres, déjà ténues à cause de leur distance avec la ville, vont très clairement disparaître. Leur vie va être bouleversée et les protagonistes vont se retrouver face à elles-mêmes, face à un certain isolement. Face à cette maison qui représente le passé, tout ce qu’elles ont perdu.

Le monde consumériste n’est donc plus. Mais la complexité des relations humaines est toujours présente. Les deux sœurs ne vont pas juste s’entraider avec le sourire. Tout ne sera pas rose entre elles et nous verrons à l’œuvre les rouages épineux d’une relation humaine, où tout ne coule pas de source, même (surtout ?) dans les moments difficiles. Elles traverseront aussi pas mal d’autres épreuves, et pas qu’à cause de leur lien.

Elles vont devoir s’adapter sans toutes les ressources auxquelles elles sont habituées. Elles vont travailler la terre, apprendre de nouvelles façons de faire et de s’organiser, leurs journées vont se révéler elles aussi plus longues, plus éreintantes… La question principale est : est-ce un mal ? Ce sera à vous d’en juger.

L’histoire est racontée à la première personne par Nell, ce qui permet une immersion dans sa perception des évènements, ses questionnements personnels. L’écriture est légère, fluide, et a séduit plus d’un lecteur, mais sans avoir été convaincue plus que ça à titre personnel, même s’il y avait de beaux passages. D’ailleurs, j’en viens à un point qui me paraît important à aborder. Vous avez dû voir, comme moi, que ce livre a été le coup de cœur de beaucoup. J’ai trouvé ce livre très bien, mais je n’ai pas atteint le stade ultime de l’appréciation. Et j’ai pas mal culpabilisé à cause de ça, d’autant plus que l’histoire parle d’un sujet qui m’intéresse en ce moment.

Alors voilà, il faut le dire : si ce n’est pas un coup de cœur absolu comme la grande majorité des gens, ce n’est pas grave. C’est un très bon livre malgré tout, et je le conseille à beaucoup. Mais je me sentais mal car je savais que je n’allais pas l’encenser autant que d’autres. Donc, hein, on s’en fout, vous pensez bien ce que vous voulez.

Dans la forêt, un titre qui correspond… à plus d’un titre (wouhouhou, les jeux de mots) à son statut assez présent durant leur passé, comme un voisin encombrant lors de leur vie d’adolescente sans problèmes, et à la fois comme une peur et une compagne par la suite. La forêt est un élément qui semble avoir une importance moindre, jusqu’à ce que les sœurs en découvrent le potentiel. La forêt est un personnage à la fois admiré, méprisé, craint et salutaire pour les deux jeunes filles.

Difficile de vous en dire plus, donc ma chronique restera courte. Je préfère vous laisser vous imprégner des évènements, avec leur calme qui ne fait que souligner que tout se précipite dans la plus grande lenteur. Je n’ai pas eu, comme beaucoup (décidément !), d’empathie particulière pour les deux sœurs mais leur relation, à la fois compliquée et simple, vous enchantera sûrement, ou vous intéressera tout du moins.

Un livre qui vous questionnera sans aucun doute sur nos vies actuelles, nos capacités, notre mode de vie.

17 réflexions sur “Dans la forêt, de Jean Hegland

  1. Ça va, tu n’as pas détesté quand même ! J’avoue que je n’ai pas fait dans l’originalité : ça a été un vrai coup de coeur (même si je ne savais que ça avait eu un tel succès, je ne sais comment, je suis passée à côté du phénomène l’an passé !). J’ai même peiné à mettre des mots dessus tant il m’a transportée !

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  2. Merci pour cette chronique constructive 🙂 Malgré tes impressions mitigées, il me tente bien, surtout ce côté « post-apocalyptique » traité d’une manière différente de ce que l’on voit partout. Et puis l’histoire de ces deux sœurs qui vivent loin de tout est intrigante.

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  3. J’ai quasi le même avis que le tien sur Station Eleven, pour rester dans le post-apocalyptique atypique que tout le monde aime. Pas de coup de cœur ultime, mais une bonne lecture.

    J’ai bien envie de lire Dans la forêt en tout cas, et la couverture est vraiment magnifique !

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  4. Pingback: C’est le 1er, je balance tout ! #20 – Histoires vermoulues

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