Le Gang de la clef à molette, d’Edward Abbey

gang-de-la-clef-à-molette-coverQuatrième de couverture

Révoltés de voir le somptueux désert de l’Ouest défiguré par les grandes firmes industrielles, quatre insoumis décident d’entrer en lutte contre la  » Machine « .

Un vétéran du Vietnam accroc à la bière et aux armes à feu, un chirurgien incendiaire entre deux âges, sa superbe maîtresse et un mormon, nostalgique et polygame commencent à détruire ponts, routes et voies ferrées qui balafrent le désert. Armés de simples clefs à molettes -et de dynamite- nos héros écologistes vont devoir affronter les représentants de l’ordre et de la morale lancés à leur poursuite.

Commence alors une longue traque dans le désert.
Dénonciation cinglante du monde industriel moderne, hommage appuyé à la nature sauvage et hymne à la désobéissance civile, ce livre subversif à la verve tragi-comique sans égale est le grand roman épique de l’Ouest américain.

Critique

Allez hop, premier coup de cœur de l’année côté romans.

Ce livre n’est pas exempt de défauts, mais j’ai adoré le lire. Comme vous l’avez compris, nous sommes dans le Sud-Ouest américain sauvage… J’ai dit « sauvage » ? Pas vraiment, les industriels se sont déjà pointés : ponts, routes, barrages en veux-tu en voilà. Le voilà le principal problème et qui va faire bouger nos quatre protagonistes. Ces derniers sont contre la destruction de la nature et voudraient empêcher ça de continuer inlassablement.

On fait la connaissance de Doc et Bonnie en train de détruire des panneaux publicitaires sur les routes, Seldom Seen Smith le mormon qui fait découvrir la nature en canoë et Hayduke.. euh, comment dire ? (aidez-moi, ceux qui l’ont lu) Bref, un ancien soldat du Vietnam un peu louche, qui aboie beaucoup mais ne mord pas.

Ces quatre-là se retrouvent dans un des voyages qu’organisent Smith et ils décident (les trois hommes, hein, il ne faut pas déconner) de saboter le maximum d’entreprises. Bonnie ? Elle suit, et bien qu’elle soit intéressante au début, son évolution a de quoi faire lever les yeux au ciel. On m’avait prévenu que l’auteur était un peu sexiste et ça m’étonnait au début du livre car je trouvais que certaines de ses réflexions correspondaient à celles d’une femme libre et forte, mais bon… La suite m’a démentie. (ça dénonce déjà et la chronique a à peine commencé)

J’ai aussi tiqué sur le racisme des personnages envers les Indiens (est-ce que ça dit quelque chose de l’auteur ou c’est juste une peinture fidèle des Américains de toute façon ?) et le fait que deux personnages soient pro-armes (l’auteur aussi, pas la peine de trop réfléchir). Ce dernier fait concernant l’auteur me surprend un peu étant donné qu’il est décroissant (un des 50 profils dans le livre Aux origines de la décroissance) mais vu qu’il prône une certaine forme de désobéissance civile, ceci explique peut-être cela ?

Oui, car dans ce livre, nous sommes clairement dans le cadre de la désobéissance civile. Saboter les machines d’un chantier (notamment en versant du sucre dans les réservoirs), tenter de détruire un pont, je ne sais pas comment vous appelez ça mais clairement, ce n’est pas de la diplomatie comme on l’entend. C’est ce qu’ils font pendant un temps, au nez et à la barbe des autorités… là aussi, pendant un temps.

Les réflexions des personnages masculins (ça devrait me donner un indice concernant Bonnie de dire ça) sont passionnantes, je me suis bien retrouvée dedans, elles dénoncent bien la domination totale des grosses entreprises industrielles sur l’environnement, le dégoût qu’on peut en avoir. Avec ça, Edward Abbey nous offre de splendides descriptions du paysage des États où les personnages se trouvent (Utah, Nouveau-Mexique, entre autres). Je ne suis pas une grosse fan des États-Unis (blasphème !) et je pensais très sincèrement que ce genre de passages allait m’ennuyer. Au contraire, j’ai trouvé ça beau et ça retranscrit à merveille cet aspect sauvage à deux doigts de disparaître, son immensité ainsi que la chaleur (les derniers passages sont d’ailleurs très pertinents et de toute beauté, on s’y croirait, j’avais chaud avec eux !).

Chaque protagoniste a sa personnalité propre, ce qui fait que les réactions sont toujours différentes, et souvent, on assiste à des dialogues bien drôles ! Et c’est ça un des gros points forts du roman : l’humour. On a quand même des personnages aux personnalités opposées et qui ont réussi à trouver un terrain d’entente : tout faire péter. Non, ça, c’est Hayduke (que je soutiens fort, même si cet enfoiré pense que les femmes sont une source de problèmes). Je reviendrai plus tard sur ce point car tous les personnages ne sont pas d’accord entre eux, mais avant, je parlais de l’humour. Et en effet, entre ces personnages, vous avez à foison de situations et de dialogues complètement barrées. On se marre souvent alors que parfois, la situation est dramatique pour eux. Mais ils restent eux-mêmes en toutes circonstances et ça rend la chose à la fois drôle et authentique. (bien que certaines choses soient un peu tirées par les cheveux)

Mais comme je l’ai dit, ils ne sont pas toujours d’accord entre eux, mais ressort quelque chose en particulier : malgré la tendance de certains à vouloir utiliser des armes, ils sont plutôt pacifiques. Les ennemis de la nation ne sont pas ceux qu’habituellement, un gouvernement voudrait nous faire croire. Malgré leurs aspirations qui peuvent sembler individuelles, ils œuvrent pour le bien commun (mode militant activé), pour la préservation de la nature, et donc, la survie de notre espèce. On peut être « violent » sans que ça implique des humains.

Le truc assez étrange, c’est que les personnages ne m’ont même pas paru écolo ou même militant, alors que leurs pensées pourraient faire croire l’inverse. Ils ne sont juste pas dans le cliché habituel du militant un peu bobo et fleur bleue et du coup, ça dépayse vraiment de les suivre.

Ce qui est aussi souvent impressionnant dans ce livre, c’est la maîtrise évidente de l’auteur sur des points techniques. Là encore, ça peut sembler ennuyeux, mais j’ai tout lu avec attention. On sent qu’Abbey a fait des recherches et qu’il ne se fout pas de nous en mode « bon ben voilà, en quelques heures, ils ont saboté x machines, au suivant ! ».

Bref, ce roman est haletant, passionnant de bout en bout, on s’attache aux personnages, on a peur pour eux, surtout durant les courses poursuite, et on rit. Que demande le peuple ? Leurs actions pourraient paraître radicales, mais 1) je suis radicale, 2) je suis radicale et à fond derrière Hayduke, le plus radical de tous et qui veut tout faire péter. Vous-ai je parlé d’objectivité ?

Merci à La page qui marque et à Adam (@_Heidegger__ sur Twitter) pour cette lecture commune.

10 réflexions sur “Le Gang de la clef à molette, d’Edward Abbey

  1. Avec tout ce que j’ai vu passer sur Twitter au sujet de ce livre, j’étais bien intriguée! Il me tente bien, surtout pour le côté humoristique et les personnages excentriques, c’est le genre de choses que j’apprécie pas mal en général.

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  2. Je découvre ton blog et me voilà déjà convaincue!
    ça fait des mois que je veux lire ce livre, une prof d’anglais me l’a hyper bien vendu en cours, mais je ne suis que frustration, je ne le croise jamais en librairie et ma médiathèque ne l’a pas.
    Il me tarde de le croiser par hasard, je sais que je n’aurai aucune hésitation à l’acheter tellement depuis des mois il me trotte dans la tête!

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    • Merci beaucoup, ça me fait très plaisir ! 🙂
      Alors, je t’avoue que j’ai gagné ce livre durant un concours mais que moi aussi, je n’ai jamais croisé cet auteur dans une librairie ! Peut-être faudra-t-il que tu le commandes…

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