Quatre petits classiques sur l’anarchisme

Bonjour ! Je vais vous présenter quatre classiques de l’anarchisme, qui datent de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle. Du coup, je ne vous les conseille pas comme premières lectures sur l’anarchisme car ils sont datés et certaines réflexions m’ont fait lever les yeux au ciel. Pour découvrir l’anarchisme, mieux vaut donc se pencher sur des ouvrages plus récents. Ceci dit, pour l’époque, je les ai trouvés très bien.

En plus, l’introduction présente les écrivains de chaque livre/textes compilés, et même quand on croit connaître un peu, ben on apprend encore des choses. C’est intéressant de voir leur parcours, on s’identifie plus à une personne qu’à une autre.

On va commencer par le petit livre d’une anarchiste que vous devez tou·te·s connaître, Emma Goldman.

C’est le plus court de ceux que j’ai lu (70 et quelques pages) mais ça n’enlève absolument rien à la force de son propos. Je sais que c’était une grande oratrice, et ses textes écrits sont très bien aussi. Son petit texte, L’Anarchisme, comme son nom l’indique, va parler de ce sujet et de ses principaux principes (je ne vais pas les énumérer, c’est pas le propos.

Un système applicable, dit Oscar Wilde, est soit un système déjà existant, soit un système qui pourrait être mis en place dans les conditions existantes ; mais ce sont précisément ces conditions auxquelles nous nous opposons, et tout système qui pourrait les accepter est injuste et stupide. Par conséquent, le véritable critère pour juger si un système est applicable, ce n’est pas de savoir s’il peut préserver ce qui est injuste et stupide ; mais plutôt de savoir s’il a suffisamment de vitalité pour abandonner les eaux stagnantes de l’archaïsme et poser les fondations d’une vie nouvelle et pérenne. De ce point de vue, l’anarchisme est en effet applicable. Plus que tout autre projet, il permet de se débarrasser de l’injustice et de la stupidité ; plus que tout autre projet, il garantit des bases nouvelles et solides à la vie.

Trois autres textes sont intégrés dans le livre : « Minorités contre majorités », « Une nouvelle déclaration d’indépendance » et « Le point de vue d’une anarchiste sur la vie ».

J’ai une critique pour chacun des livres que je présente. Vous allez vous dire « elle a dit que c’est daté », certes, mais les propos pompeux à mon sens qu’elle tient sont toujours bien d’actualité. Il n’y aurait qu’une minorité de gens qui est capable de réfléchir, de se renseigner, contrairement à la masse. Des réflexions que les communistes bien autoritaires ne dénigreraient pas. Personnellement, je trouve ça élitiste, d’où le fait que mon blog a pris la direction de faire découvrir des essais (et donc de la connaissance) de manière accessible. Ça fait un peu « Moi, je sais mieux que vous » mais meuf, t’en savais strictement rien et c’était probablement faux en plus. J’ai été un peu surprise par ses propos que je trouve assez loin de l’anarchisme lui-même.

Sinon, elle m’a fait réfléchir positivement à l’utilisation du mot « individualisme » : on l’emploie très souvent pour parler de gens égoïstes, qui ne pensent qu’à eux, mais elle a soulevé un point intéressant. L’individualisme, ça serait plutôt réfléchir par soi-même, chercher d’autres outils que ce qu’on veut bien nous donner, se centrer sur nos besoins réels. Dans ce cas-là, si on veut parler de gens égoïstes, « égocentrisme » ou « autocentrisme » ne seraient-ils pas plus appropriés finalement ?

Le Sabotage d’Emile Pouget est le deuxième livre le plus épais de cette sélection (131 pages). Le contenu de cet ouvrage de compilation de textes, le titre l’indique aussi : il s’agit de sabotage. Il y parle aussi d’autres manières de lutter (la grève le plus souvent). Il y a un sabotage pacifique qu’il propose, je pense que ça ne marcherait pas aujourd’hui car le vivier de chômeurs est trop grand, et l’implication syndicale trop faible. Mais en tout cas, l’auteur soulève des choses pertinentes et c’est aussi très motivant, si le monde actuel vous fait déprimer. La citation que je vais mettre va vous rappeler quelque chose et montre que rien ne change…

Les militants ouvriers insistent fort sur ce caractère spécifique du sabotage qui est de frapper le patron et non le consommateur. Seulement, ils ont à vaincre le parti pris de la presse capitaliste qui dénature leur thèse à plaisir en présentant le sabotage comme dangereux pour les consommateurs principalement.

Et bien sûr, et cette habitude persiste encore aujourd’hui, ça valorise le travail et finalement, ça ne parle que des moyens de lutte à ce niveau. Ça se ressent encore aujourd’hui, même si les réflexions là-dessus chez certain·e·s évoluent. Y a pas que le travail dans la vie, et des personnes incapables de travailler de toute façon existent aussi. On vit déjà du validisme et de l’eugénisme tous les jours (même moi à mon petit niveau), pas la peine d’en rajouter. Mais lui, je le pardonne comme c’était l’époque. Vous autres, là…

Le troisième ouvrage que j’ai lu, c’est Ni dieu ni patron ni mari (90 et quelques pages) du journal anarchiste féministe La Voz de la Mujer. Elles ne se déclaraient pas comme féministes à l’époque (vu comme un truc bourgeois avec les suffragettes) mais c’est clairement l’esprit de leurs textes. Il y en a dix en tout.

Le titre est là encore assez explicite : le joug ne vient pas que des patrons, donc d’un système de classe, mais aussi des hommes, donc d’un système de genres. Elles m’ont bluffé car pour l’époque, c’était des pensées hyper novatrices. Et même encore aujourd’hui, ça pourrait bloquer…

Aussi, comment pouvez-vous croire qu’en étant aussi déterminées que nous le sommes, nous allions infléchir notre ligne de conduite selon les opinions de Pierre, Paul ou Jacques ? Avez-vous cru, par hasard, que, parce que certains d’entre vous ont taxé notre journal d’immoral et les autres d’insensé, et parce que chacun à sa guise nous a jugées comme il a cru bon de le faire, nous devions renoncer à nos idées, à notre façon de penser et d’agir? Il serait totalement ridicule de croire une chose pareille.

Mais le féminisme, c’était mieux avant, hein.

Bon, elles ne sont pas parfaites pour autant, si jamais ça vous enthousiasme : elles ont aussi tenu des propos assez mauvais et incultes sur la prostitution et aussi sur certaines pratiques sexuelles. Quant à la transphobie… vous la trouverez à petite dose dans tous les livres.

Le quatrième et dernier classique s’appelle De l’utilité des rebelles de Manuel Gonzalez Prada. C’est un recueil de certains de ses textes, publié de manière posthume. La vie de l’homme découverte dans l’introduction m’avait pas mal plu et j’ai trouvé ses textes plus enthousiasmants et motivants que ceux d’Emma Goldman, en même temps l’ouvrage est aussi le plus gros (210 et quelques pages). Sa pensée est donc bien mise en avant. On voit encore mieux la mentalité et les idées anarchistes dans ce livre.

Il faut se corriger et s’éduquer soi-même pour s’affranchir de deux fléaux également abominables : l’habitude d’obéir et le désir de commander. Avec des âmes d’esclaves ou de tyrans on ne peut aller que vers l’esclavage et la tyrannie. C’est pourquoi nous croyons qu’une révolution exclusivement ouvrière, au profit des ouvriers uniquement, produirait les mêmes résultats que les coups d’État militaires et les renversement politiques. Une fois la classe ouvrière triomphante et en possession des moyens d’oppression, elle se transformerait aussitôt en un mandarinat de bourgeois aussi oppresseurs et égoïstes que les seigneurs féodaux et les patrons modernes. On régresserait au régime des castes, avec une seule différence : l’inversion dans la hiérarchie des opprimés.

Il a parfois des instincts élitistes mais beaucoup plus mesurés qu’Emma Goldman. Comme Émile Pouget, on voit aussi la primauté qu’il donne au travail, mais comme on peut le voir dans l’extrait précédent, il est aussi capable d’être nuancé.

Mais mon enthousiasme sur cette lecture a pris une douche froide quand j’ai lu son texte sur la justification de la violence envers autrui. Il dit qu’on peut tuer les tyrans, capitalistes ou non, car ils font la même chose avec nous (même en tant que rancunière, je sais que le « oeil pour oeil, dent pour dent » n’est pas une bonne idée). Et que de toute façon, ce ne sont pas des humains mais des gorilles, et que du coup, on peut les tuer (point spécisme atteint). On est team Albert Camus ici.

Bref, j’ai avancé plus prudemment dans ma lecture après ça, mais globalement, c’est un très bon livre. Il a écrit un texte dithyrambique sur Louise Michel, il m’a fait rire.


Globalement, quand on a des connaissances basiques sur l’anarchisme, c’est intéressant de voir ce qui a été pensé avant. Souvent, les pensées globales sur l’anarchisme n’ont pas trop bougé et la pertinence de certaines réflexions de l’époque est assez surprenante (et plaisante). Personnellement, je trouve ça revigorant de lire ça, ça donne un coup de boost.

Si vous en voyez un qui pourrait vous intéresser, je suis ravie !

4 réflexions sur “Quatre petits classiques sur l’anarchisme

  1. Des quatre j ai commencé la vie de la mujer, ce que j’ ai trouvé intéressant dans ce livre c est le fait que ça soit la vision d ouvrières d Amérique latine. Leur témoignage est intéressant car elle montre que dans les « révolutions » les hommes cherche à être au centre et à faire taire les femmes. Elles montrent que les anarchistes restent construit par une société patriarcale et ça nous donne des informations précieuses.

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