On pourrait croire avec le titre que c’est un article que je vais écrire sur l’abeille et le ver de terre, mais non, il s’agit bien d’une chronique ! Je vais vous parler de deux livres et je vais commencer par celui sur l’abeille, dernier sorti et donc, dernier lu.
Cet essai a été écrit par Sylvie Corré et Christophe Gatineau. Ces deux auteurs sont d’une simplicité rafraîchissante et honnête. Cela va jouer un rôle dans mon appréciation de ces deux livres, et peut-être dans la vôtre aussi.
Éloge de l’abeille, si vous vous attendez à une glorification de cet insecte comme on peut parfois le voir dans certains milieux écolo, vous vous trompez. Il ne s’agit pas non plus de dire qu’on s’en fout des abeilles. Non : les auteurs démontent des idées reçues.
Tout d’abord, il a été important de rappeler que nous connaissons assez mal les insectes et que nous ne les aimons pas vraiment. En tant que phobique des insectes, je n’ai rien à redire là-dessus, c’est vrai. Même sans parler d’une peur paralysante, les gens ont un irrespect total pour ces animaux et les écrasent dès que ça les dérange, c’est-à-dire dès qu’ils remarquent leurs existences et qu’elles dérangent leur environnement immaculé.
Mais revenons-en à une question qui est posée assez souvent… ou plutôt, elle l’est par simple réflexe, la réponse officielle, nous la connaissons tous : si l’abeille disparaît, nous mourrons tous. Mais est-ce si vrai ? Pas si sûr, c’est plus compliqué que ça, l’abeille n’étant en plus pas la seule à butiner les fleurs, bien qu’elle soit celle qui a le plus de préférences (couleurs, parfum…), et donc un large éventail de fleurs à butiner.
De plus, de quelle abeille parlons-nous ? Là encore, cela devient confus. Il y a plus de 1 000 espèces, seulement en France… Souvent, on n’entend parler que des abeilles domestiques, celles qu’on contrôle pour le miel. Et les autres ? N’ont-elles pas le droit de vivre, d’être protégées ? Mais comme la société humaine actuelle juge souvent l’être à son utilité, la réponse est souvent laide…
Dans ce livre, il ne s’agit pas de faire l’éloge de l’apiculture d’ailleurs. Christophe Gatineau est lui-même paysan et a connu pendant une période de sa vie l’apiculture (vous apprendrez que c’est plutôt pratique vu que ça ne coûte pas cher), donc il sait de quoi il parle. Et ce qu’il décrit de cette pratique (qui a été la première à être massivement industrialisée) n’est pas glorieux. Il rappelle que faire l’éloge de l’abeille n’est pas faire l’éloge de l’apiculture. Surtout que cette dernière ne valorise, ne défend qu’un seul type d’abeille (on en revient au paragraphe précédent).
Et les pesticides alors ? Ne vous inquiétez pas, les auteurs ne vous cachent rien, et encore moins le fait qu’ils sont vraiment problématiques (et pas que pour les abeilles). J’ai appris des choses sur ces produits, les auteurs ont tout expliqué correctement, c’est personnellement plus clair dans ma tête, surtout qu’on entend un peu tout et n’importe quoi dessus. Si vous êtes naïfs comme moi, vous pensez peut-être qu’il n’y a pas d’OGM en France… Hé bien si ! Vous allez tomber de haut, je pense.
Sylvie Corré et Christophe Gatineau nous feront faire aussi un petit détour par le bourdon, rare insecte que j’aime bien. Ils parleront du rapport mâle-femelle qui n’est pas le même que chez nous…
La modestie, la franchise, on la retrouve dans leurs propos, mais pas seulement narratifs : les deux auteurs dialoguent, ce qui donnent parfois droit à des élans, des emportements que nous n’aurions pas sans cette forme, de l’humour, du sarcasme… Ça en rajoute à la fluidité de la lecture et à son accessibilité.
Passons au prochain maintenant.
Éloge du ver de terre est le premier livre que j’ai lu de Christophe Gatineau (Sylvie Corré n’en est pas la co-autrice mais a beaucoup soutenu l’auteur également sur cet ouvrage). Cet essai est sorti avant celui sur l’abeille. A la base, j’étais à la Foire du livre de Brive, j’avais d’autres objectifs en y allant… surtout que je n’avais pas capté que l’auteur était là (boulet). En voguant dans les allées, je suis passée devant son stand et j’ai reconnu ses livres (oui, « reconnu », je louchais déjà dessus en librairie).
Je l’ai donc acheté et fait dédicacer (l’auteur est très gentil et intéressant). J’ai donc lu ce livre et ça a été un coup de cœur, qui m’a fait acheter tous les autres ouvrages de l’auteur. Oui oui, je sais, vous vous en foutez, passons à la suite.
Même si on a des idées reçues sur les abeilles, c’est moins évident pour les vers de terre. Elles pourront être négatives… voire inexistantes dans mon cas. Je ne pensais rien de spécial sur ces animaux, même pas qu’ils avaient l’air dégoûtant. Vous pouvez aussi en déduire que je ne savais strictement rien sur eux, qu’à aucun moment je ne pensais à leur devenir. Dans un sens, ce n’est pas très glorieux non plus.
Vous n’allez pas apprendre que des choses sur le ver de terre : la terre n’est pas végétale mais animale (je sens que vous êtes déjà curieux), le labour n’est pas le mal absolu comme certains pourraient nous le faire croire (tout dépend comment c’est fait et si on n’oublie pas que le ver de terre est le meilleur pour faire respirer la terre, alors fichez le camp avec vos pesticides de mes deux), pourquoi le sol meurt (il se peut que vos matières fécales soient plus utiles que vous ne le croyez), etc.
L’auteur nous présente l’état de l’agriculture à l’heure actuelle, ce qu’elle a été aussi. Il parle aussi de la permaculture, qui n’est pas une invention récente, comme certains voudraient nous le faire croire pour engranger du profit (ce sont toujours les mêmes histoires, vous remarquerez).
Bien évidemment, nous avons aussi des informations sur le ver de terre, son mode de vie, ce qu’il mange (pas de la terre), sa sexualité, son habitat… Et son statut vis-à-vis de la législation française. Ni le ver de terre ni l’abeille (ni le bourdon) ne sont des espèces protégées. Vous vous doutez bien que ça ferait du mal à l’utilisation des pesticides et que ça enrayerait la machine du business as usual si c’était le cas.
Ça va surprendre les antispécistes mais l’auteur l’est… tout en mangeant de la viande. Je ne sais pas de quelle manière, à quelle fréquence, ne commencez pas à me demander des détails que je n’ai pas. Mais sa philosophie vis-à-vis des animaux m’a beaucoup surprise au début par son empathie et sa sincérité, au point que j’ai cru qu’il était au minimum végétarien, le monsieur. Et puis au début d’un chapitre, pouf, il a fait disparaître l’embryon de certitude que je commençais à avoir.
En attendant, je pense qu’un végétarien ou vegan ne pourra pas me jeter la première pierre, je suis sûre qu’on y a tous cru au départ. C’est aussi visible dans Éloge de l’abeille, où les critiques envers l’apiculture sont très clairement celles d’un antispéciste. Ce n’est pas moi qui vais crier au loup alors que ses pratiques et principes sur les animaux ont changé du tout au tout et qu’elles sont beaucoup plus respectueuses et dignes que celles d’un carniste possiblement plus éveillé que les autres à ce genre de questions.
Outre cet élément qui pourra faire polémique (lisez-le avant de gueuler), Christophe Gatineau m’a touché de par son humanité. Le sort du ver de terre (duquel il est un fervent défenseur, à raison, sinon on crève touuus) n’est pas le seul qui le préoccupe. Comment l’espèce humaine se traite entre elles, les discriminations envers les femmes, les crimes contre les enfants, mais aussi la façon dont elle se conduit avec les êtres non-humains… Tout ça le débecte. J’ai parfois hoché de la tête durant ma lecture. Il est très franc, ne vous attendez pas à une langue de bois avec lui !
Cette lecture est aussi très drôle ! L’auteur se retrouve souvent à dialoguer avec un ver de terre imaginaire, qui n’a pas non plus sa langue dans sa poche ! Il m’a beaucoup fait rire avec son franc-parler. Et son duo avec l’auteur est à la fois surprenant et intéressant. Même s’il est imaginaire, on croirait presque que c’est bien un ver de terre qui s’adresse à nous. Et ça rend le propos honnête, spontané et captivant. On le constate tout le long du livre. Beau travail, vraiment !
Bref, il m’a beaucoup touché avec Éloge du ver de terre, qui m’a donné envie de me pointer avec une pancarte sur le ver de terre à une Marche pour le climat (avec écrit « Et le ver de terre, bande de losers ? » mais je pense qu’il faut que je change le message, ce n’est pas très diplomate). Il a lui-même envoyé une lettre à Hollande sur le sujet, toujours restée sans réponse.
Éloge de l’abeille est une très bonne continuation, sur un insecte mal connu et qu’on croît pourtant bien connaître. De plus, les interventions de Sylvie Corré sont pertinentes et nécessaires.
Je vous conseille fortement ces deux livres qui appellent à une réflexion bien plus juste que ce que j’ai pu entrevoir jusqu’à maintenant. Les deux auteurs sont gentils, mais pas que : ils sont intègres et consciencieux, deux qualités qui ne sont pas si fréquentes et les lecteurs de longue date de mon blog savent que ce sont des valeurs qui me plaisent et me touchent beaucoup. Ils rappellent qu’il faut préserver les autres êtres vivants, que nos pratiques ne doivent pas être aussi aveugles et cyniques à leur encontre et à celui de leur environnement (mais aussi le nôtre).
Je vous conseille aussi leur blog Le jardin vivant. Celui-ci s’arrête mais leur travail n’est pas terminé. Hâte de pouvoir lire leurs futurs projets !
Ce ne sont pas des sujets sur lesquels je m’informe tellement, je ne sais pas trop pourquoi… mais en tout cas, ces livres m’ont l’air très bien faits, simples (donc on enlève un peu la peur de ne pas comprendre), donc il est fort possible que je me laisse tenter !
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Pareil que toi ! Je n’y connais absolument rien et j’ai vraiment beaucoup aimé ! Je confirme leur simplicité, c’est fait pour vulgariser et t’apprendre des choses sans que ton cerveau ne fume trop. (même s’il va peut-être fumer un peu)
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Les livres semblent intéressant. Pour moi je ne sais pas trop parce que tout ce que tu décris, je le connais déjà. C’est déjà mon combat.
L’histoire des abeilles est symptomatiques de notre époque et surtout de notre relation à la nature même venant de ceux qui disent vouloir la sauver. L’agro agriculture a fait en sorte de réduire drastiquement toute diversité. C’est comme pour les vaches, aujourd’hui elles sont toutes identiques, choisies sur catalogue ! Certains se battent encore pour conserver leurs vaches différentes. Et bien les abeilles, effectivement il en existe des différentes. Et oui elles ne sont pas les seules butineurs…
Pour les vers de terre, c’est pareil. On les ignore totalement alors que moi j’ai toujours entendu : « une bonne terre est une terre où il y a plein de vers de terre ». Alors autant dire que lorsque je retourne ma terre, je suis aux anges quand je vois tous ces lombrics se tortiller entre les mottes !
Il y a peu je regardais un doc sur LCP (je crois), il était question de l’agro agriculture, du changement même infime qui se produit dans différentes exploitations. On y voyait des agriculteurs d’une quarantaine d’années qui expliquaient que jusqu’aujourd’hui ils n’avaient jamais mis les mains dans la terre ! On ne leur a jamais appris dans les études agricoles qu’ils ont fait qu’une terre sans rien est une terre morte ! L’un d’eux disait que pour la première fois en plus de 20 ans à travailler ses parcelles, il avait touché un vers de terre l’année passée !!! Complètement dingue !!!!
Moi à côté de chez moi j’ai vu la terre d’une parcelle devenir grise, la couleur d’une terre morte. Trop utilisée, jamais au repos, toujours arroser de produits divers. Alors qu’il y a encore moins de trente ans, cette même terre était extrêmement riche. Navrant. J’ai pleuré de nombreuses fois en la regardant.
Concernant le fait que ce monsieur mange de la viande… et bien je comprends sa position parce que j’ai la même. Je défends le bien être animal mais je mange de temps à autre de la viande. Manger de la viande ce n’est pas le mal, d’ailleurs c’est notre nature, nous sommes omnivores. Ce qui pose problème c’est la façon dont on traite les animaux. Il faut avoir du respect pour cet animal. Je sais j’entends déjà : »tu le manges donc tu ne le respecte pas ! ». Faux. Je vais pousser le bouchon : les végétaux sont aussi du vivant pourtant on les mange. Les arbres on les coupe pour se chauffer, construire des maisons… pourtant nous avons désormais la preuve que ces êtres sont sensibles et communiquent donc ils ont une vie social.
C’est plus notre relation à notre environnement qui pose problème. Nous nous mettons en haut de la pyramide alors que nous faisons partie d’un tout. Les vers de terre et les abeilles en sont le parfait exemple 🙂 .
Désolé pour ce long commentaire… et encore je n’ai pas mis toutes mes pensées 😉
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Merci pour ton commentaire très intéressant ! En effet, je pense que tu n’apprendras rien dans ces livres vu ce que tu dis…
Pour les agriculteurs dont tu parles, ça me choque, mais vu ce que les deux auteurs disent, ça ne m’étonne pas… Au moins, ils ont réalisé et font autre chose. Je trouve ça positif de pouvoir aller à l’encontre de ce qu’on nous a matraqué.
Quand je faisais du jardinage dans un jardin partagé (mais je n’y vais plus car je n’ai pas le temps), j’étais trop contente d’en voir aussi, des vers de terre ! C’est motivant pour bien s’occuper du jardin, je trouve. (et les vers de terre sont contents et peuvent vivre)
Oh, j’imagine… Le fils d’une voisine a fait abattre le splendide cerisier de sa mère parce qu’il en avait marre de devoir ramasser les feuilles chaque automne, quelle honte de faire ça pour une raison aussi superficielle… En plus, ça faisait un abri et de la nourriture en moins pour les oiseaux, et sûrement pas qu’eux.
Je préfère le préciser pour celles et ceux qui rencontreraient un problème avec ça. Je suis végétarienne et ça m’a un peu surprise. Je pense que si on n’en a pas le besoin, il n’y a pas d’intérêt à manger un animal (les Inuits et les Touaregs me semblent être des exemples de ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’en manger vu leur environnement). Ca fait de la souffrance inutile en moins… Je ne vais pas non plus me flageller si ça arrive sans que ce soit mon but. (écraser un insecte vu que c’est parfois difficile de l’éviter)
Quant aux végétaux, je n’ai pas d’avis bien précis là-dessus, mais je pense qu’à priori, c’est différent (trop d’études différentes…). Je sais qu’ils ont une vie sociale : j’ai un bouquin sur les arbres que je n’ai pas encore lu mais j’ai aperçu que c’était le cas en le feuilletant !
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Il y a plein de gens qui se plaignent des feuilles à ramasser à l’automne… ça me désespère. Moi j’ai un énorme charme sur mon terrain, il a plus de 40 ans. Chaque automne c’est sûr, les feuilles j’en ai ! Mais avoir un jardin c’est s’en occuper de temps en temps. J’avoue laisser un petit peu (trop) la nature faire son office… au grand dam de mes parents avec qui je m’engueule souvent parce qu’ils ne supportent pas une mauvaise herbe. Mais je ne peux trop rien leur dire parce qu’ils entretiennent un jardin arboré de plus de 5000 m² tous seuls. C’est juste une conception différente de la vie d’un jardin.
Pour revenir aux feuilles, cela ne prend pas beaucoup de temps à faire. En plus cela fait du compost et des abris pour des animaux donc que du bénef ! La nature ne laisse rien au hasard 🙂 .
Concernant le fait d’être végétarien ou non je pense que la bonne entente est celle basée sur le respect. Ce qui m’agace c’est que dans un camp comme dans l’autre des personnes s’énervent très rapidement du coup personne ne se comprend. Chacun trouve son équilibre où il le souhaite. C’est ça qui est beau.
Cela me rappelle une phrase que j’avais entendu dans un film russe d’heroic fantasy : « je respecte mes dieux et n’offense pas ceux des autres ». C’est une magnifique phrase que l’on peut arranger à toutes les sauces puisque son thème est simple : la tolérance. Et je crois qu’aujourd’hui c’est ce qui nous manque le plus.
Bonne journée à toi !
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Surtout que (dis-moi si je me trompe) mais les feuilles servent à enrichir la terre quand elles se décomposent, non ? A part pour se frayer un chemin et ne pas se casser la gueule, je me demande pourquoi il faudrait les ramasser… (ou pour faire du paillis, je crois que ça marche) Et puis tu l’as dit, ça peut effectivement servir pour les autres animaux !
Perso, je ne suis pas très proche du milieu vegan/végétarien. Je trouve que les malentendus vont vite… Mais d’un autre côté, je me coltine les viandards purs et durs qui ne remettront jamais rien en question, je crois que c’est le pire… Bref.
Cette citation est pas mal mais il faudrait que le fait de ne pas offenser les autres signifie ne pas les blesser… J’ai peur que certains l’utilisent à visée individualiste, du genre « je fais ce que je veux de mon côté, fiche-moi la paix ». Sinon, je la trouve très bien !
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