Écologie sans transition, de Désobéissance Écolo Paris

Quatrième de couverture

Devant l’ampleur planétaire du désastre, un nouveau mouvement écologiste a émergé au fil des marches pour le climat, des grèves de la jeunesse et des actions de désobéissance. Mais sa stratégie se réduit encore à adresser une demande de transition à de supposés décideurs.

Pour Désobéissance Écolo Paris, collectif à l’origine des grèves scolaires dans la capitale, on a déjà perdu trop de temps à demander aux pyromanes d’éteindre l’incendie. L’inertie de ce monde n’appelle pas une transition, mais une rupture. Pratiquer une écologie sans transition consiste à interrompre dès maintenant l’œuvre destructrice de l’économie et à composer les mondes dans lesquels nous voulons vivre. Et cela, d’un même geste.

Critique

Je pense que vous l’avez compris : ce manifeste va aller à contre-courant de ce qu’on entend très souvent sur l’écologie et qui s’étend dans les oreilles de tout le monde. Les écolos ne vont pas sortir blanchis de tout ça non plus.

Il s’agit pour Désobéissance Écolo Paris de représenter une autre voie que celle qu’on nous vend habituellement : la transition écologique. Mais concrètement, ça veut dire quoi, la transition écologique ? Pour qui et comment ? Car le collectif va nous montrer qu’on n’est pas tous concerné·e·s de la même façon.

Ce dernier va d’abord commencer par expliquer en quoi la transition est impossible. Et ne pensez pas faire partie des rares élus qui pourraient éventuellement y accéder (et encore, même ces personnes sont un peu désillusionnées… La preuve, ça veut aller sur Mars). Mais celle-ci n’est potentiellement possible pour très peu que si on croit tous nous-mêmes pouvoir en bénéficier. Faut nous inciter à mettre la main à la pâte (pour la survie des plus riches). Mais Désobéissance Écolo Paris va nous faire redescendre sur terre.

Dans le premier chapitre de la première partie, iels rappellent par point chiffré tout ce qui ne va pas dans notre société pour espérer une transition, ce que notre mode de vie occidental peut provoquer, que la transition est impossible pour la majorité des gens sur cette planète, que les énergies renouvelables ne sont pas du tout une solution, ni écologiquement, ni socialement (ça va faire mal à pas mal de personnes de le réaliser, je n’étais pas bien quand ça avait été mon cas il y a deux ans)…

15. Il serait peu avisé de continuer à espérer une transition, à l’heure où nous sommes plus que jamais dépendant·es d’un système qui s’écroule pour nous nourrir, nous vêtir, nous loger, communiquer. S’il y a une urgence, c’est celle de retrouver immédiatement, c’est-à-dire sans transition, les moyens de notre subsistance à long terme : savoir-faire, techniques et puissance d’agir collective.

Les auteur·ice·s expliquent que le mode de vie capitaliste et occidental est à l’origine de la majeure partie de ce qui détruit notre planète. Que tout le monde n’est pas au même niveau de responsabilité et qu’il est donc faux de parler de « anthropocène ». Il serait plus juste, selon elleux, de parler de « capitalocène ». D’ailleurs, dans la deuxième partie de l’essai, iels insistent beaucoup sur la responsabilité du capitalisme, qui a fait en sorte de dévorer les ressources sans compter dans un monde fini, qui a transformé nos vies, nos habitudes, qui a détruit la vie de tant de personnes et d’êtres non-humains de par le monde, etc. Effectivement, c’est très peu mentionné, voire pas du tout. Il est important de rappeler que les blancs occidentaux ne sont pas seuls au monde. Iels rappellent aussi que le capitalisme a plein de ressources quand il s’agit de récupérer des choses à son compte, qui était à l’origine contre lui, comme ce qu’on appelle le capitalisme vert.

Je sais qu’ils mentionnent le fait que ce n’est pas suffisant de penser qu’il n’y a que le capitalisme qui est fautif mais quand ça prend un paragraphe face à des pages de développement sur pourquoi le capitalisme est un fléau, il y a quand même un déséquilibre, et donc un choix de priorité qui n’est pas complètement assumé. Il y a des problèmes, des erreurs de visions qui datent d’avant le capitalisme (entre autres, notre rapport aux êtres non-humains). Je vous conseille donc d’essayer d’aller parfois plus loin (tout en étant prudent·e·s sur vos choix de lecture, les récupérations et mensonges sont nombreux dans ce milieu).

La science est souvent appelée à la rescousse. Peut-elle répondre à tout ? Non. Le doit-elle ? Non plus. Certaines questions et problématiques ne rentrent pas dans le cadre rationnel de la science. Croire que cette dernière est neutre… Elle est aussi teintée de subjectivité, d’idéologie (le scientisme est dénoncé bien sûr). A voir laquelle ressort… Elle sert souvent pour la partie utilitaire d’une écologie gestionnaire, qui a une apparence d’intérêt par le nom mais qui est complètement inefficace et pas du tout pertinente. On ne peut pas gérer ce qu’on appelle la « nature » avec des traçages sur des cartes, des chiffres, etc… D’autres façons de voir, de percevoir les choses sont incompatibles avec la gestion comptable du capitalisme.

La fameuse « pureté » militante est aussi montrée du doigt (et relativisée, tu veux faire quoi quand les autres et toi n’êtes responsables individuellement qu’à hauteur de 25% ?). Les problèmes sociaux causés par la destruction de l’environnement sont aussi rappelés, notamment la néo-colonisation qui fait des ravages et contribue à entretenir le dénuement dans de nombreux pays. La pollution atteint plus certaines zones, avec certaines personnes, et ce, dans tous les pays… C’est là qu’on voit le racisme environnemental (et aussi le classisme) à l’œuvre. L’éco-fascisme, si vous ne connaissiez pas déjà quelques analyses dessus (ce qui ne serait pas étonnant vu comment sa dangerosité passe innocemment inaperçue), sera lui aussi mentionné. Et merci de dire que ce qu’on entend par « nature sauvage », « immaculée de la présence humaine », n’existe pas ! Le concept de wilderness est beaucoup plus mensonger qu’on ne le croit (merci William Cronon).

Bref, vous allez avoir pas mal de révélations. Est-ce si déprimant que ça ? Je trouve que la dernière partie ne laisse pas l’occasion de se barrer sous la couette en pleurant (pas comme la collapsologie) (ça dénonce par ici).

Je ne vais pas trop rentrer dans les détails car c’est le plus important. Désobéissance Écolo Paris souhaite qu’on crée des alternatives (beaucoup existent déjà, on ne part pas de rien), qu’on réussisse à imaginer un autre monde, au-delà de ce qu’on connaît, même si ça peut paraître difficile car :

Chacun trouve aujourd’hui en naissant l’économie capitaliste établie comme un cosmos, un habitacle dans lequel il doit vivre et auquel il ne peut rien changer – du moins en tant qu’individu.

C’est l’univers dans lequel on nait et on évolue. Comme je le disais sur Instagram en postant cet extrait, l’impression d’être née dans un grand mensonge : celui d’un monde inamovible où rien ne peut changer, où tout est déjà « parfait » comme il est.

Mais c’est faux : ça peut et ça doit changer. C’est ce que nous explique le collectif : il y a des voies pour ça qui existent déjà, à nous de les creuser un peu plus, d’en créer de nouvelles. De réfléchir (et non pas de se précipiter). Changer notre rythme, notre rapport au corps, s’investir dans une association ou une lutte de quartier, construire des relations, agir, etc. Il détaille une liste d’actions dans un chapitre.

L’autonomie ne peut pas se penser comme une simple alternative se construisant à côté. Non seulement les acteurs du ravage cherchent toujours à s’opposer à ce qui met à mal leur hégémonie sur l’existence, mais en plus, la poursuite de leurs activités destructrices menace la pérennité de notre autonomie naissante. L’autonomie politique et la transformation des conditions d’existence doivent être pensées en lutte. Elles doivent se coupler à des fronts offensifs qui ciblent les acteurs et infrastructures du ravage.

Bien sûr, tout n’est pas simple, tout ne sera pas simple. Développer ce que Désobéissance Écolo Paris a avancé ne servirait pas à grand-chose en un paragraphe, je vous conseille donc de lire le livre. Il dit la vérité tout en ne nous laissant pas céder au désespoir. A la fin de l’ouvrage, il y a des extraits de textes, de chansons, de poèmes, qui nous encouragent à imaginer un autre monde, nous aussi, de nouvelles façons de faire, de voir les choses, et j’ai trouvé ça positif. Vous ne serez pas en accord avec tout ce qui est dit à 100% mais cela vous fera du bien.

8 réflexions sur “Écologie sans transition, de Désobéissance Écolo Paris

  1. Pourquoi pas? Mais pas tout de suite car je viens de terminer « Impact » d’Olivier Norek qui m’a beaucoup secouée…
    La vie ne devait plus être la même après le COVID ? C’est ce qu’on nous a rabâché et rien ne change
    où va-t-on chercher le lithium pour les voitures électriques qu’on a poussé les gens à acheter (comme autrefois le diesel? par exemple…

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  2. Pingback: Bilan lectures #47 – avril 2021 | La tournée de livres

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