La libération animale, de Peter Singer

la-libération-animale-coverQuatrième de couverture

Les animaux souffrent. Comme nous. Ils ont donc des droits. Ce livre a changé notre regard sur les animaux. Il a déclenché le débat contemporain en éthique animale. Traduit dans une vingtaine de langues, il s’est vendu à plus d’un demi-million d’exemplaires.

Peter Singer, philosophe australien, est professeur de bioéthique à l’université Princeton (Etats-Unis). Time Magazine l’a présenté comme le plus influent des philosophes actuels.

Critique

Je m’étais dit que c’était risqué de faire une chronique sur un livre parlant des droits des animaux et du végétarisme comme solution première. Je ne lis pas beaucoup de livres de ce genre, je suis déjà végétarienne, mais je reste distante de la communauté végétarienne/vegan. Le sujet fait énormément parler, en bien ou en mal. Si j’ai décidé de parler de celui-ci, c’est parce que je le trouve assez impressionnant. Et puis pour un livre d’un philosophe, il est assez accessible (ce qu’on lui a reproché, mais laissons les élitistes rester dans leur coin comme ils le souhaitent eux-mêmes et ignorons-les).

De toute façon, comme le dit lui-même Peter Singer, comment mobiliser du monde sur cette cause si on garde une manière de s’exprimer et d’expliquer les choses obscure ? Cette cause est bien trop importante pour ça.

Ce livre est d’abord sorti en 1975. Il a connu un succès retentissant et c’était le premier livre qui parlait de ce sujet de cette manière (pas le premier à en parler, c’est la façon d’avancer les choses et l’époque qui a permis à ce livre de se faire connaître). La deuxième version, sortie en 1990, est celle que j’ai lu dans ma version poche. Il y met à jour certaines choses, répond aussi à certains arguments, mais ça ne change pas vraiment le fond de son argumentation.

Ce qui peut paraître un peu effrayant au premier abord, c’est la présentation de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (qui ne m’a pas tout à fait convaincue sur certains points, mais cette chronique n’est pas là pour s’attarder dessus) et les trois préfaces de l’auteur lui-même (celle de la version poche, celle de 1990 et celle de 1975). Ça en fait des choses à lire avant l’essai lui-même ! C’est quand même très intéressant de lire ce que pense Peter Singer lui-même du parcours de son livre et de son impact, surtout.

Mais venons-en au contenu du livre lui-même ! Si vous pouvez trouver des informations plus complètes sur la maltraitance animale ailleurs, sachez qu’il va se focaliser sur deux domaines très problématiques à ce niveau : l’expérimentation animale et l’élevage. Avant ces deux chapitres assez difficiles à lire (en même temps, il y a de quoi être choqué, même quand on connaît le sujet), l’auteur explique quelles sont les raisons pour lesquelles on devrait se préoccuper un peu plus du sort des animaux, les respecter, être antispéciste (qui signifie qu’on ne fait pas de distinction morale entre les animaux humains et les animaux non humains – ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit, il ne s’agit nullement de considérer que les deux catégories sont égales au niveau des capacités, on sait bien que non). Le fait que certains animaux soient considérés comme étant plus faibles que les humains ne constitue en rien un argument pour les exploiter.

La question n’est pas : peuvent-ils raisonner ? ni : peuvent-ils parler ? mais : peuvent-ils souffrir ?

Ah, au fait, j’ai oublié de prévenir : cet article n’est pas un appel à argumenter sur la question. Commencez par faire ce que peu de personnes font : lisez des livres sur l’antispécisme, le végétarisme/veganisme.

Si vous n’êtes pas au courant de la situation, vous allez apprendre moult choses sur l’expérimentation animale et l’élevage. Et si vous pensez que ce livre dont la deuxième édition a été publié en 1990 n’est plus d’actualité, vous vous trompez. Je suis végétarienne et j’ai surtout eu des sources contemporaines sur le sujet. J’ai été assez choquée de voir que pas grand chose n’a évolué. Si, pour l’expérimentation animale, il y a eu quelques améliorations (minimes) dans certains pays, l’élevage n’en a pas des masses bénéficié à de très rares exceptions. Quand j’ai lu ce chapitre, je n’avais pas l’impression qu’il parlait d’une autre époque en fait… Ils étaient aussi déjà au courant des méfaits de cette industrie sur l’écologie !

Ensuite, il va parler de LA solution : devenir végétariens. Ça va sûrement en braquer quelques-uns cette partie, surtout si vous êtes convaincus que les petits élevages soi-disant respectueux du bien-être animal sont une issue convenable. Peter Singer va vous montrer que ce n’est toujours pas une possibilité viable.

Ceci dit, ne croyez pas que Peter Singer soit intransigeant. Il est considéré comme un extrémiste par certains mangeurs de viande… mais surtout, il est considéré comme modéré par certains vegans. Ce genre de paragraphe doit en être la raison :

Éliminer le spécisme de ses habitudes alimentaires est très difficile à faire d’un seul coup. Les personnes qui adoptent la stratégie que je préconise ici prennent clairement et publiquement position en faveur du mouvement contre l’exploitation animale. La tâche la plus urgente pour le mouvement de libération animale est de persuader le plus possible de personnes de se prononcer ainsi, de manière à ce que le boycott s’étende et attire l’attention. Si en raison d’un désir admirable de faire cesser immédiatement toutes les formes d’exploitation animale nous donnons l’impression que ceux qui ne renoncent pas aux produits laitiers ne valent pas mieux que ceux qui mangent encore de la chair animale, le résultat pourra bien être que beaucoup de gens seront dissuadés de faire quoi que ce soit, et que l’exploitation animale continuera comme avant.

(je vous conseille, si vous ne le sentez pas trop au début, de diminuer votre consommation de viande et de poisson et de prendre le temps de vous informer, au lieu de tout arrêter d’un coup comme moi en mode yolo – je ne suis de toute façon pas un exemple)

Ensuite, Peter Singer va nous montrer qu’historiquement, notre façon de traiter les animaux aujourd’hui ne pouvait que se dérouler comme ça vu notre passé avec eux (au moins dans le monde occidental) et la religion chrétienne et l’arrogance des humains n’y sont pas pour rien. Dans la dernière partie, l’auteur va nous parler de la situation du spécisme aujourd’hui (encore un truc pas glorieux si vous voulez mon avis).

Personnellement, j’ai constaté deux défauts dans ce livre. Le premier, c’est son argument comme quoi les personnes déficientes mentale/physique, les bébés humains (qu’il met parfois de côté à cause de leur potentialité), ont une capacité cognitive inférieure à celles des animaux, et pourtant, on les traite correctement comparés aux animaux (selon moi, ça reste à relativiser même s’ils sont, en effet, mieux traités) juste parce qu’ils sont de notre espèce. Je ne sais pas si sa façon d’utiliser cet argument a juste pour utilité de servir d’électrochoc, mais son utilisation est très moyenne, car il insiste là-dessus, ce qui peut amener à considérer que si on maltraite ces personnes, pas de problème. Bref, comme cela revient très souvent, je trouve ça assez mauvais. Je ne pense pas que l’auteur soit validiste dans le fond, par contre, le fait d’employer ce raisonnement trop souvent le rend ainsi. Il montre par là qu’il se préoccupe moins de leur sort et qu’il y aurait une justification morale à les maltraiter. C’est un big no no pour moi. Vous pouvez dire que ça me rend spéciste, mais visiblement, accorder le respect à tout le monde, c’est trop demandé. Cet argument n’a pas à être usé ainsi.

Le deuxième est un peu minime par rapport aux penseurs actuels qui l’utilisent à tort et à travers pour prouver leurs dires : c’est la comparaison avec l’esclavage. Comme il n’a pas autant insisté là-dessus que d’autres, je lui reproche sans trop appuyer dessus non plus. Il n’a pas la même arrogance que d’autres, très clairement…

Ce qui frappe en premier avec cet essai, c’est que l’auteur est très rationnel. On accuse souvent les militants antispécistes de faire preuve de sensiblerie, accusation infondée, et d’autant plus avec La libération animale. De plus, il répond vraiment à toutes les critiques de cette manière, ça peut être difficile de contre-argumenter… Il y a un aspect philosophique que je n’ai pas souvent vu revenir dans certaines publications récentes. Du coup, ce livre peut en intéresser certains. Sa façon d’exposer les choses est vraiment implacable, c’est très impressionnant. A part les antispécistes entre eux, je ne vois pas ce qu’un mangeur de viande peut dire…

Peter Singer était un véritable précurseur à son époque (première édition sortie en 1975, souvenez-vous). Et je peux vous dire que son livre est toujours d’actualité (malheureusement pour les animaux).

Nous devons considérer les intérêts des animaux parce qu’ils ont des intérêts et qu’on ne peut justifier de les exclure de la sphère de la préoccupation morale, faire dépendre cette considérations de ses conséquences bénéfiques pour les êtres humains revient à accepter implicitement que les intérêts des animaux ne requièrent aucun respect en eux-mêmes.

Il peut paraître un peu dense et lourd à lire et ce n’est peut-être pas le livre que je vous conseillerai de lire en premier (Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer est un très bon début) mais il reste néanmoins un des premiers ouvrages à lire, déjà pour voir que le végétarisme/veganisme n’est pas un truc de bobo né il y a dix ans, et ensuite pour noter que la situation n’a rien de nouvelle ni d’étonnante et que la technologie supposée sauver les riches humains ne fait qu’empirer la situation.

Il faut une réelle remise en question de l’humain lui-même, de son rapport intra et inter-espèces, celui à la nature aussi, mais c’est un autre sujet. Cette chronique n’est pas là pour lancer un débat, elle est surtout là pour vous conseiller un livre sérieux sur le sujet de l’antispécisme, si vous vous sentez perdu et que vous voulez faire confiance à un livre.


Si ça vous intéresse, vous pouvez nous rejoindre pour le club de lecture #animalivre géré par Parmi les récits sur Twitter et Instagram ! C’est un club de lecture avec des lectures sur le végétarisme/veganisme et l’antispécisme. C’est dans ce cadre que j’ai lu ce livre !

6 réflexions sur “La libération animale, de Peter Singer

  1. Chronique passionnante comme d’habitude ! Je t’avoue que je reste aussi un peu à l’écart de la communauté végé/vegan, même quand il s’agit juste de recettes… (Parfois je cherche juste une recette sympa et j’apprend que je suis une hypocrite de première et une personne atroce car je suis juste végétarienne –‘)

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    • Tu dois savoir que je ne cherche pas de recette xD
      Olala, mais ils sont relous, même là, ils postent leurs commentaires immondes… Je devrais culpabiliser mais j’ai toujours été une grosse chieuse pour l’alimentation, ils risquent d’avoir à faire à un mur sur qui glissera leurs insultes culpabilisantes x)

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    • Il est pas donneur de leçons, contrairement à d’autres… Je vois que je ne suis pas la seule à ne pas le supporter !

      Oui, c’est malheureusement le gros point faible de ce livre… Après, il n’en parle beaucoup que dans un chapitre (celui de l’expérimentation animale) si ça peut te rassurer, il faut serrer les dents. (la présentation au début du livre pour le défendre là-dessus est assez pitoyable d’ailleurs)

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  2. J’ai trouvé ce livre très intéressant même si j’ai mis du temps à le lire! Merci de me l’avoir proposé. Je suis d’accord avec toi pour les défauts. Ce qui m’a plu aussi c’est que les arguments sont solides et bien sourcés, on peut difficilement le contredire sans mauvaise foi. Y a un truc qui m’a énervée, c’est qu’il a dit qu’il ne voyait pas de problème à ce qu’on mange des oeufs de poules élevées en plein air. Sauf qu’en fait certaines poules au final ne sortent que peu en plein air et a la fin on les tue quand même de toute manière… (Peut être que j’ai mal compris). C’est un livre très important qui donne de bonnes bases pour argumenter. Mais je pense que seuls les végétariens et vegans vont lire ce livre, donc malhereusement pas les personnes qui devraient le plus le lire…

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    • De rien !
      Je pense que ça dépend vraiment des poules élevées en plein air… Si tu manges leurs oeufs pour ta consommation personnelle, il y a peu de risques de dérives, mais si c’est à visée commerciale… Comme toi, j’ai des doutes.
      Mais comme d’hab, les gens ne lisent pas ce qui pourrait les déranger…

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